Quelle géopolitique à l’heure post-carbone ?

Nous n'allons pas passer du Moyen-Age à la renaissance d’un seul coup.

Saviez-vous que 80 minutes d’exposition au soleil sur la planète suffiraient à répondre au besoin de production mondiale d’électricité annuelle? Autrement dit nous ne sommes plus face à un problème théorique d’accès à l’énergie mais à un enjeu massif de stockage de cette énergie !

La Chine, après avoir tiré une grande partie de sa croissance d’un usage intensif du pétrole, est aujourd’hui championne mondiale des énergies vertes, notamment du photovoltaïque, parce qu’elle maîtrise 95% des ressources de métaux rares indispensables aujourd’hui au stockage de l’énergie électrique. Ce qui n’est pas sans conséquence sur notre dépendance énergétique.

D’après Guillaume Pitron, l’auteur de “La guerre des métaux rares - La face cachée de la transition énergétique et numérique” la France a raison de tenter de changer de modèle énergétique mais il ne faut pas croire que nous allons passer du Moyen-Age à la renaissance d’un seul coup. Il ne faut pas croire que le choix qui nous est proposé est de passer d’un âge sombre fait d’hydrocarbures à la Renaissance. Le monde est beaucoup plus complexe que cela. Par exemple, pour produire des énergies vertes et construire des panneaux solaires, il va bien falloir gratter l’écorce terrestre pour récupérer des matériaux plus ou moins rares.

Retrouvez l’intégralité de l’interview de Guillaume Pitron dans le podcast « le monde qui vient en questions »  sur Boma France.

Nous n’avons pas encore trouvé la solution technologique pour stocker proprement ces énergies. Pour l’instant la bascule vers les énergies renouvelables nécessite des solutions de stockage très gourmandes en matières premières que nous sommes obligés d’importer. Nous avons besoin pour cela de ressources que nous ne possédons pas. Il faut du lithium, du graphite, du cobalt pour les batteries.  Et les conditions d’extraction et de raffinage sont tout sauf propres…

Une stratégie politique post-carbone est nécessaire mais elle pose simultanément la question de la dépendance à l’égard des états qui nous livrent les matières premières rares. Comme le dit Guillaume Pitron, le XIXème siècle a été dominé par l’Angleterre Victorienne qui extrayait le charbon, qui l’exploitait et remontait dans la chaine de valeur au point de devenir un pays leader de la première révolution industrielle. Puis le pétrole a pris le relai au XXème siècle et le USA, les pays du Moyen Orient ont tiré leur épingle du jeu. Peu de gens se rendent compte à quel point la Chine est un leader de l’extraction des matières premières. Ils ne se rendent pas compte que si elle détient ce monopole, elle va monter dans la chaine de valeur. Ainsi, plutôt que de vendre des matières premières elle va vendre des produits finis et des services. C’est ce qui est en train de se passer.

Face à ces contraintes multiples, l’Europe pourrait-elle privilégier le nucléaire au nord et déployer dès à présent le photovoltaïque au sud ? Cette approche permettrait  de rétablir un équilibre géopolitique, notamment face à l’hégémonie annoncée de la Chine. Les équilibres géopolitiques au regard de la question énergétique vont être bouleversés dans les vingts prochaines années et réduire la question de la transition à la seule question environnementale est dangereux.

Article publié dans le HuffingtonPost le 3/6/19