Impression 3D : la révolution aura-t-elle lieu ?

Publié dans les Echos le 22 oct. 2013

Voilà déjà quelques années que l'impression 3D nous est présentée comme un des ingrédients de la nouvelle révolution industrielle. Pour le moment, nous n'y sommes pas ! Aujourd'hui, les imprimantes 3D du marché ressemblent à ce qu'étaient les imprimantes papier au début des années 1990 : les professionnels possèdent des machines très coûteuses équivalentes aux LaserWriter de l'époque et les laboratoires disposent de machines moins sophistiquées, semblables aux imprimantes matricielles de mes années de collège. Malgré ces limitations, le marché de l'impression 3D a généré plus de 2 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2012. Mais elle est aujourd'hui portée davantage par des designers, des laboratoires et leurs dérivés (« fablabs », « makerspaces »...) que par des industriels. Car l'impression 3D présente une limite : si elle est efficace pour la fabrication en petites séries d'objets personnalisés, elle ne permet pas de gains d'échelle. Pour que l'impression révolutionne l'industrie, les centres de production devront être atomisés en réseau d'usines individuelles où chacun pourra personnaliser ses produits. Comme Bill Gates l'avait professé pour le PC, la nouvelle révolution industrielle passerait alors par l'arrivée d'imprimantes 3D sur chaque bureau. Nous sommes encore bien loin de cela aujourd'hui. Tout d'abord parce que le prix de ces imprimantes est encore dissuasif; ensuite parce que les logiciels sont bien trop complexes pour être utilisés par le grand public; enfin parce que ces produits n'ont pas encore atteint la maturité nécessaire pour être vendus via les réseaux de distribution classiques. A moyen terme, l'impression 3D risque aussi d'être confrontée à un problème plus handicapant : lorsque nous serons tous à même de copier tout et n'importe quoi au bureau ou à la maison, c'est la propriété intellectuelle qui freinera le processus d'adoption. Par conséquent, si l'impression 3D révolutionne un jour l'industrie, ce sera vraisemblablement à plus long terme.


Michel Lévy provencal