Le Twitter de Musk ne sera pas la catastrophe annoncée.

 

Twitter se débat depuis des années avec la modération du contenu sur sa plate-forme. L'entreprise a été critiquée à la fois pour ne pas en faire assez pour supprimer les contenus haineux et abusifs et pour censurer injustement les utilisateurs. Depuis qu'Elon Musk est en train d’acquérir la plateforme, la situation s'est empirée. D'un côté les libertariens, l'extrême droite, les complotistes, les antivax y voient une opportunité pour regagner de l'influence, considérant que le discours en faveur de la liberté d'expression de Musk les autorisera à diffuser des contenus jusque là bloqués par la plateforme. De l'autre côté, les modérés pensent que la prise de pouvoir de Musk sur Twitter est une catastrophe pour la démocratie du fait même des arguments avancés par leurs opposants. En bref, Musk serait un dangereux pro-Trump aux intentions politiques antidémocratiques.

Ces conclusions, d'un bord comme de l'autre sont basées sur des interprétations et des a priori qui restent à confirmer. Pour le moment, si on écoute ce que Musk dit, on peut avoir une lecture tout à fait différente de la situation.

Musk s'est toujours exprimé contre les politiques de modération de Twitter par le passé pour autant il n'a jamais prôné l'anarchie sur le réseau, bien au contraire.

La fin des bots

 
 

Musk s'est clairement exprimé sur la question des bots en indiquant souhaiter se battre "à mort" contre ce fléau. Il a l’intention de traquer activement les comptes robots en les fermant, ainsi qu'en désactivant les comptes qui enfreindraient la loi dans les juridictions où Twitter diffuserait ses contenus. On peut raisonnablement penser que ses investissements dans le domaine de l'IA permettront d'aider à mener cette bataille et fermer les comptes de bots aujourd'hui si néfastes sur le réseau.

Pour répondre à l'enjeu légal de localisation, il pourrait instaurer un système de proxy qui permettrait aux utilisateurs d'avoir un accès différencié au réseau en fonction de leur position géographique, comme le fait Google avec son moteur de recherche qui répond aux exigences de chaque pays.

L'anonymat et le pseudonymat

 
 

Il s'est également déjà exprimé en faveur d'un réseau régulé par plus de responsabilisation de ses utilisateurs. Pour ce faire il a évoqué à plusieurs reprises la nécessité de mieux authentifier les membres du réseau. Il est peu probable qu'une authentification systématique des profils soit imposée sur la plateforme. Cela aboutirait à la fin de l'anonymat et mettrait notamment en péril la protection des lanceurs d'alerte par exemple. En revanche, il est possible qu'il oeuvre à construire une architecture basée sur une valorisation des profils authentifiés tout en conservant une logique de pseudonymat améliorée. Cette dernière permettrait à des utilisateurs non identifiés individuellement de se voir attribuer un compte sous pseudonyme certifié. Ce type de compte pourrait être par exemple utilisé par des collectifs ou des entités anonymes reconnues (ex: Anonymous, Banksy, Satoshi Nakamoto...), garantissant à des lanceurs d'alerte la sécurité de l'anonymat tout en conservant une influence importante en fonction du nombre de leurs followers sur la plateforme.

Multiplier les algoriTHMes pour développer une culture critique de l'information

 
 

Votre fil d'information actuel sur Twitter est défini par un algorithme opaque et influencé par un modèle économique qui tend à maximiser la rétention et le temps d'exposition à la publicité. L'algorithme augmente la visibilité de certains contenus clivants et en fait une source d'information qui tend à être radicalisée et clivante. Cette situation est comparable à celle de toutes les plateformes et réseaux sociaux du marché.

En transformant Twitter en une plateforme plus transparente et plus ouverte, Musk pourrait donner aux utilisateurs plus de contrôle sur leur expérience sur la plateforme. Il pourrait leur permettre de choisir leurs propres algorithmes et d'évaluer différentes approches de modération. Il offrirait des filtres multiples d'exposition des contenus et permettre aux utilisateurs de changer d'algorithme en fonction de leurs préférences. Twitter deviendrait en ce sens une métaplateforme. Les utilisateurs décideraient non seulement des comptes qu'ils souhaiteraient suivre mais également de la mécanique de sélection des contenus auxquels ils seraient exposés. On pourrait par exemple imaginer que nous soient proposés :

- des contenus répondants à nos habitudes de consommation (équivalent à celui que nous utilisons sans le savoir aujourd'hui)

- des contenus, radicalement nouveaux, proposant de découvrir de nouveaux sujets ou angles de traitement

- des contenus neutres, dont on aurait retirés toutes les références à des points de vue extrémistes

- À l'inverse, des contenus radicaux, extrêmes, auxquels on aurait supprimé tout point de vue nuancé

- Des versions intermédiaires et hybrides en fonction de nombreux critères

On pourrait même imaginer que les utilisateurs soient sollicités pour paramétrer et re-publier leurs propres algorithmes...

Chaque version du flux d'information serait clairement identifiée comme le produit de tel ou tel filtre donnant à l'utilisateur une meta-lecture de sa source d'information. Les membres du réseau pourraient enfin être invités à noter ces mécanismes de selection et de les commenter de sorte à faire émerger une meilleure culture critique de la consommation informationnelle chez les utilisateurs.

Le choix de l'Open Source

 
 

Il existe de nombreux avantages à la publication de Twitter en open source. En plus d'accroître la transparence et de donner aux utilisateurs plus de contrôle sur leur expérience, cela permettrait à la plateforme de devenir une solution d'infrastructure pour de nombreux projets concurrents ou complémentaires permettant d'améliorer ses fonctionnalités.

Au moment de l'annonce du rachat, beaucoup se sont précipités (et j'en fait partie) pour dire que l'opération signerait le grand retour de Trump sur le réseau. C'était une erreur. Ce dernier a clairement indiqué qu'il n'y retournerait pas. Nous avions simplement oublié qu'entre-temps il avait lancé sa propre plateforme (TRUTH Social) à grands frais (1Mds $). La publication de Twitter en Open Source est la meilleure manière de tuer toute concurrence car non seulement la barrière technologique n'existe plus pour tout acteur qui souhaiterait créer une plateforme concurrente, mais la raison d'être de TRUTH Social disparaît par la fin de la modération opaque. Twitter se retrouve dans une situation imbattable : celle de rivaliser uniquement sur le critère de la taille de sa base d'utilisateurs tout en lui permettant d'ouvrir des opportunités d'innovation encore inégalées. Concernant ce dernier point, un code ouvert à la contribution de développeurs aux quatre coins du globe a toujours créé des opportunités d'amélioration qui ont servi le projet source. Pour preuve les projets Chrome, Android, Linux et tant d'autres...

A propos du business model

Twitter devrait connaître un changement majeur de son modèle économique dans le courant des prochains mois. Musk a déjà évoqué la possibilité d’abandonner le modèle basé sur la publicité au profit d'une solution par abonnements et développer d'autres sources de revenus. Ce changement reflète une tendance croissante vers des plateformes plus indépendantes et centrées sur l'utilisateur, ainsi qu'une plus grande utilisation des technologies comme les crypto-monnaies et la blockchain.

À l'horizon 2025, Twitter pourrait connaître un succès important avec de nouvelles fonctionnalités basées sur l'usage de NFT, le développement de nouveaux canaux de conversation immersifs et l'adoption de solutions d'échanges en crypto-monnaies. Doté d'une telle stratégie, Twitter pourrait voir sa valorisation monter en flèche et se rapprocher de celle de Facebook, soit près de 20x l'investissement de Musk au moment de sa prise de contrôle. Tous les projets de Musk lui permettent de poursuivre une mission qu'il juge d'intérêt général avec une ambition de rentabilité toujours très exigeante. Il est raisonnable de penser que pour Twitter également il est motivé par la création de valeur économique. N'oublions pas que Musk a pu réaliser son opération qu'avec l'aide de Morgan Stanley et que plus de 12Mds de $ d'actions Telsa ont garantis l'opération. Il est difficile par conséquent d'imaginer que l'enjeu financier ne soit pas une de ses motivations.

Nous ne vivrons pas la catastrophe annoncée

Ainsi, contrairement aux commentaires parfois hystériques qui ont suivi l'annonce, le rachat de Twitter n'est probablement ni une bonne nouvelle pour les extrêmes et les complotistes, ni une catastrophe assurée pour la démocratie. La nouvelle stratégie de Twitter pourrait signifier la mort de TRUTH Social, plus de transparence et de diversité dans les modes de consommation de l'information, une érosion des bulles algorithmiques grâce à la diversification des systèmes de filtrage, une meilleure culture critique du public à l'égard de l'information sur internet et un retour à une plus grande responsabilité de la parole publique.

Pour toutes ces raisons, on peut penser que ce rachat n'est pas nécessairement la catastrophe qu'on nous promet.