Bienvenue dans l'ère neuro-eugéniste.

Alors qu'il a été montré que l'intelligence est majoritairement génétique, les technologies de neuro-augmentation obligent à repenser le rôle de l'école.

Dans son dernier ouvrage, « La Symphonie du vivant », Joël de Rosnay fait l'éloge de l'épigénétique, à la lumière de laquelle il revisite les méthodes de développement personnel. Il est vrai qu'il a été démontré depuis longtemps que l'environnement est un facteur clef de l'expression des gènes dans les organismes vivants, en particulier chez les plantes et les insectes. Chez l'homme, les mécanismes sont en revanche beaucoup plus complexes et plus longs à se vérifier. Par exemple, lorsque l'on étudie ce qui peut faire évoluer nos capacités cognitives, on se rend compte que la génétique l'emporte systématiquement sur l'éducation !

Avec l'accélération des neurosciences et des biotechnologies ces vingt dernières années, les fantasmes eugénistes grandissent et effraient avec raison. Ils sont renforcés par les récentes études qui prouvent que l'intelligence (le QI) est majoritairement dictée par nos gènes. Dans son dernier ouvrage, « The Neuroscience of Intelligence », Richard Haier, professeur à Cambridge, montre que l'héritabilité de l'intelligence augmente avec l'âge : 26 % à cinq ans, 54 % à dix ans, et 80 % à dix-huit ans. Il insinue donc qu'après dix ans les gènes ont plus d'impact que l'école sur l'intelligence de nos enfants !

Pauvreté cognitive

Certains acteurs, en particulier en Asie, ont déjà choisi de défier la loi du hasard génétique. Jun Wang, le patron d'iCarbonX, s'est donné pour objectif de séquencer plus de 100 millions d'humains dans le but de cartographier les gènes et leur fonction. Dans les dix ans qui viennent, il sera très simple, particulièrement pour les plus riches, de bénéficier de séquençage ADN d'embryons et de sélectionner ainsi ses futurs enfants en fonction de leurs performances cognitives.

 

Comme le souligne très justement Laurent Alexandre : « La transmission du savoir ne peut pas signifier la même chose au XXIe siècle qu'auparavant ! » Aussi, l'hypothèse d'un futur où l'éducation traditionnelle sera moins développée au profit de la sélection et de la manipulation génétiques n'est pas à exclure. Elle nous terrifie car nous renvoie aux moments les plus sombres de notre histoire. Mais nous en sommes bien là ! Les technologies de neuro-augmentation génétique pourraient être envisagées comme un « traitement de la pauvreté cognitive ». C'est exactement ce que Richard Haier propose en conclusion de son ouvrage : faire de l'outil génétique un moyen d'émancipation ! Effrayant et fascinant à la fois... Le débat est ouvert.

Publié dans Les Echos : https://www.lesechos.fr/idees-debats/sciences-prospective/0301484329552-nous-entrons-dans-lere-neuro-eugeniste-2164214.php