Thorium, le rêve d'un nucléaire « vert »
Voici la version longue et illustrée de ma chronique prospective mensuelle publiée dans les Echos aujourd’hui,
Aujourd'hui l'humanité utilise trois types d'énergies : les énergies fossiles (charbon, gaz et pétrole), les énergies dites renouvelables (éolien, solaire, géothermique et hydraulique) et le nucléaire. En moyenne le coût nécessaire pour élever un million de livre d'eau d'un degré Farenheit (l'unité BTU) est de 44$ via l'énergie solaire, 18$ avec du pétrole, 2$ avec du charbon et 0,92$ avec de l'uranium ! Les énergies fossiles sont en effet peu chères et sécurisées mais très polluantes et leur pérennité remise en question compte tenu de l'érosion croissante des stocks. Les énergies renouvelables sont propres et générées à partir de ressources abondantes mais leur coût est conséquent. Enfin le nucléaire propose le meilleur retour sur investissement financier mais induit le plus fort risque environnemental. Aucune de ces sources ne répond simultanément aux critères de propreté, d'abondance, d'économie et de sécurité. La solution qui cumulerait toutes ces qualités serait considérée comme la pierre philosophale pour nos sociétés modernes !
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=IZf6e0ntFrw[/youtube] How Thorium can save the world: Salim Zwein at TEDxBeirut 2012
Pourtant, dans les années 60 le physicien américain Alvin Martin Weinberg a mis au point dans son laboratoire du Tennessee un réacteur nucléaire à sels fondus qui a la capacité d'atteindre des températures de plusieurs centaines de degrés à pression ambiante éliminant ainsi les risques d'accident par explosion. Ces réacteurs de quatrième génération utilisent le thorium comme combustible. Abondant sur la planète, ce composant est aussi commun que le plomb. Comme le rappelle Jean-Christophe de Mestral dans son récent livre « L'Atome vert », l'utilisation de thorium au coeur de réacteurs à sels fondus génère des déchets au cycle de vie 1.000 fois plus court que ceux de l'uranium. Et le temps nécessaire à la dégradation de ses déchets est équivalent à celui qu'une canette de soda jetée dans la nature (quelques centaines d'années). Son efficacité est redoutable car 1kg de thorium est équivalent à 200kg d'uranium et une bille de thorium capable de tenir dans la paume de la main permet de produire de l'énergie pour un individu pendant une vie entière.
Si cette technologie est à portée de main depuis les années 1960, pourquoi ne l'avons nous pas exploitée ? A cette époque le nucléaire à base d'uranium a été privilégié car il répondait aussi à une exigence d'efficacité militaire ! Les recherches sur les réacteurs à sels fondus à base de thorium, n'étant d'aucun intérêt pour les armées de la guerre froide, elles n'ont reçu aucun financement de recherche. Aujourd'hui cette technologie retrouve un intérêt certain au regard des problématiques de développement durable auxquelles les sociétés modernes sont confrontées. La Chine et l'Inde investissent massivement sur ces solutions pour développer le nucléaire de nouvelle génération. La NASA s'y intéresse sérieusement pour permettre demain à des colonies humaines de produire de l'énergie à faible coût sur la Lune ou sur Mars. Si les recherches aboutissent, elles pourraient bouleverser l'industrie du nucléaire en apportant simultanément propreté, abondance, économie et sécurité.
[youtube]http://www.youtube.com/watch?v=N2vzotsvvkw[/youtube]
TEDxYYC - Kirk Sorensen from Nasa - Thorium Energy for space colonies