Le travail de 2030 se prépare aujourd'hui.
Ce billet est la version illustrée de ma chronique prospective mensuelle publiée dans Les Echos.
En 1997, Jeremy Rifkin écrivait « la fin du travail », best-seller visionnaire qui décrivait l’inexorable augmentation planétaire du chômage et dessinait les prémisses de la nouvelle économie positive et solidaire.
En 2014, la question est toujours d’actualité. Le chômage a effectivement globalement augmenté entre 1990 et 2012 dans le monde développé (aux USA de 5% à 8%, en Europe de 7% à 10%, au Japon de 2% à 4%) et le phénomène est loin d’être terminé. Une étude publiée par deux chercheurs de l’Université d’Oxford en septembre dernier décrit au contraire une accélération. D’après le document de 72 pages disponibles sur Internet, jusqu’à 47% des emplois aux Etats Unis pourraient, à horizon 20 ans, être confiés à des machines intelligentes.
Le développement exponentielle de la puissance informatique, la démocratisation des machines apprenantes et l’avènement de la robotique mobile devraient d’après les deux chercheurs faire disparaître dans les 20 prochaines années la plupart des emplois manutentionnaires, les métiers de maintenance et de la construction et entamer très largement la masse de professions administratives, de fonctions de bureaux, de chauffeurs, de télé-marqueteurs… et même de mannequins ! Seraient épargnés les acteurs de l’économie solidaire, de la santé, du secteur social, de l’éducation, des arts et de la culture, de l’ingénierie, de l’informatique et des sciences.
Alors, face à cette transition économique et sociale majeure, entamée depuis les années 80 et que nous appelons communément « crise », mais qui n’est en réalité que la fin d’une époque comme le fut les dernières années du XIXeme siècle, que faire ?
Clive Thompson explique dans son dernier ouvrage « Smarter than you think », que la course contre la machine est une lutte vaine. Qu’au contraire, les technologies de l’information permettent de développer de nouvelles capacités cognitives, en déléguant certaines tâches cérébrales aux intelligences artificielles. Autrement dit en « sous-traitant » à la machine ce qu’elle fait le mieux et en développant le plus possible la spécificité du cerveau humain : ses capacités uniques d’intuition, de créativité, mais aussi de perception et de production. Il va de soi, que cette transition se fera plus naturellement si nous préparons la génération avenir.
Celle-ci devra imaginer, concevoir, hacker, inventer nôtre nouveau monde. L’école ne peut donc se contenter d’être le sanctuaire qu’elle a été au XXeme siècle, lieu de seule transmission du savoir. Elle doit aussi intégrer les modifications massives que la technologie a apporté à nos processus de travail, de socialisation et de cognition en devenant un lieu de création du nouveau savoir par l’expérimentation et la découverte.
La bonne nouvelle est que corps enseignant commence à prendre conscience de cela. Il s’y met, à l’instar de cette initiative du CRI portée par Ange Ansour, enseignante en CM1 et CM2 qui transforme la salle de classe en laboratoire et ses élèves en chercheurs. La mauvaise est que nous n’avons pas le temps de tergiverser. Vingt ans c’est court !
L'intervention d'Ange Ansour à TEDxParis 2013