Deux visions du futur
Prédire l’avenir et décrire le monde dans lequel nous vivrons d’ici vingt à trente ans est un exercice périlleux. Parmi les oracles qui se livrent à cet exercice, figurent de grands optimistes comme Peter Diamandis ou Ray Kurzweil, tous deux fondateurs de la Singularity University. Ils sont convaincus de notre capacité à bâtir une société de l’abondance au cœur de laquelle une humanité de plus en plus gourmande en énergie, eau, nourriture, territoire, viendrait combler ses besoins grâce à la révolution technologique en cours. Pour ces radicaux optimistes, la conquête spatiale, l’intelligence artificielle, la robotique, les nanotechnologies, les biotechnologies, la convergence entre sciences de l’information et sciences cognitives seraient autant de moyens qui permettraient d’éradiquer pauvreté, pollution, maladie, etc. A l’opposé, certains pessimistes voient notre futur sous un jour beaucoup plus sombre. C’est le cas de Michel Houellebecq dans son dernier ouvrage, « Soumission », ou de Boualem Sansal dans le très brûlant « 2084, la fin du monde ». Dans leurs anticipations romancées, notre société disloquée réagirait à la modernité en donnant naissance à de nouveaux systèmes totalitaires instaurés par le fanatisme religieux.
Ces deux approches - optimisme technologique ou pessimisme politique -, compatibles entre elles, sont deux visions du monde à la racine du probable clivage politique majeur du siècle. Face aux révolutions techniques, sociales et politiques latentes, il est urgent de créer des temps et des espaces de formation, de débat et d’expérimentation consacrés au sens que l’on veut donner à notre nouveau monde. Intellectuels, hommes de foi, scientifiques, artistes, politiques, citoyens, entreprises, en somme toutes les composantes de nos sociétés devraient y être invités pour remettre l’Homme au cœur de la discussion. Car si la machine s’emballe et si la transition brutale que nous allons vivre accentue davantage les inégalités, l’affrontement entre le positivisme scientiste des uns et le fanatisme destructeur des autres sera inévitable et dévastateur.