2016, année de l’innovation raisonnée
Chronique publiée dans LesEchos du 12/01/2016.
Ces dernières années, nous avons vécu une accélération massive de la transformation du monde par le numérique. Et ce n’est qu’un début, affirment certains prospectivistes, qui promettent des changements radicaux liés à la croissance exponentielle des capacités de calcul et de communication, à l’avènement des biotechnologies et nanotechnologies et aux avancées scientifiques dans la connaissance du cerveau. L’année 2015 a été une année choc : les organisations publiques et privées ont pris conscience de la transformation en cours. Le bréviaire de l’innovation radicale (villes intelligentes, médecine personnalisée, économie du partage, voitures autonomes, Mooc, etc.) n’a jamais été aussi loué.
Mais la fin de l’année a marqué un frein dans cet emballement, comme si cette vision naïve d’un futur utopique et radicalement nouveau se fissurait. Quelques signes l’annoncent. Les projets de « smart cities » ralentissent en Pologne ou en Inde, où la coopération entre les habitants prend le pas sur la seule innovation technologique. Même le magazine « Wired », bible des technophiles américains, prédit l’entrée des objets connectés et du « wearable » dans une phase de désillusion, et s’attend à des jours difficiles pour les fameuses « licornes », ces start-up valorisées plus 1 milliard de dollars en moins de 36 mois.
Sommes-nous à la veille d’un nouvel éclatement de la bulle technologique ? La célèbre courbe de Gartner nous apprend que toute technologie vit des cycles en quatre phases : l’apparition, le pic des attentes surdimensionnées, le creux de la désillusion et le plateau de la productivité. Il est probable que nous soyons entrés dans une phase de désillusion, qui reste souvent une bonne nouvelle car elle annonce une période de maturité et de démocratisation. L’année 2016 sera-t-elle une année de consolidation ? Le buzz laissera-t-il place au discernement ? L’innovation raisonnée supplantera-t-elle l’innovation radicale pour un accompagnement plus humain et réaliste des transitions qui nous attendent ? C’est en tout cas souhaitable.