Et si le numérique nous rendait tous idiots ?
Un étude a montré que le niveau moyen de QI était en recul dans les pays développés. Les dernières recherches en neurosciences mettent en cause les outils numériques.
L'élection de Donald Trump a donné l'occasion à plusieurs commentateurs d'ironiser sur la clairvoyance scénaristique du film « Idiocracy » (2006). Cette comédie satirique met en scène un Américain moyen oublié pendant cinq siècles dans un caisson d'hibernation, qui se retrouve porté au pouvoir par des humains devenus si stupides qu'ils voient en lui l'homme le plus intelligent au monde. « Idiocracy » est un navet pour adolescents, mais il annonce un phénomène inquiétant qui semble bien réel. Une étude, passée quasi inaperçue l'an dernier, montre qu'après une évolution croissante de la moyenne de QI pendant un siècle, celle-ci tend à diminuer depuis les années 2000.
La bande-annonce du film « Idiocracy » (2006)
Certains, proches de l'extrême droite, tentent d'expliquer le phénomène en avançant une hypothèse raciste : le métissage aurait un impact sur le QI moyen. D'autres évoquent le rôle des perturbateurs endocriniens et autres polluants. Enfin, la recherche en neurosciences s'intéresse de plus en plus à l'impact des usages numériques sur notre cerveau. Par exemple, une étude menée en 2010 à l'université McGill (Canada) sur des chauffeurs de taxi montre que le GPS a un effet négatif sur l'hippocampe , zone cérébrale ayant un rôle clef dans les capacités de mémorisation et de spatialisation. Aussi, nous avons découvert depuis plusieurs années que les pics de dopamine réguliers, générés par les notifications et l'alternance entre les micro-tâches que nous imposent les outils numériques, sont autant de petites « récompenses » perçues par le cerveau qui nous invitent à délaisser les longues périodes de concentration. Une étude menée par Microsoft confirme que notre durée moyenne d'attention est passée de 12 secondes en 2000 à 8 secondes en 2015 !
Information ou connaissance ?
La faculté de se concentrer, de filtrer, de mémoriser sont des aptitudes clés dans le processus d'appropriation des connaissances. Sans cette capacité, les informations ne sont pas traitées et elle nous traverse l'esprit sans laisser de trace. C'est ce qui fonde la différence entre une information et une connaissance.
Demain, la réalité virtuelle sera notre quotidien, or nous commençons à connaître, grâce à une équipe de chercheurs de UCLA, ses effets néfastes sur le fonctionnement de l'hippocampe. Demain, le GPS sera remplacé par la voiture autonome . Demain, les notifications seront plus nombreuses grâce aux objets connectés portables, voire implantables.
Heureusement, les chercheurs en neurosciences s'intéressent de plus en plus à ces phénomènes, et certains travaillent déjà à une parade. C'est le cas de Jean-Philippe Lachaux, du Centre de recherche en neurosciences de Lyon, qui a exposé dans un livre (« Le Cerveau funambule », Odile Jacob) des exercices très simples contre les troubles de l'attention. Ne pas finir comme les humains d'« Idiocracy » mérite bien quelques efforts !