Une commission citoyenne pour le futur
La pandémie de coronavirus a surpris le monde entier par son ampleur, par sa vitesse de propagation. Pourtant, pour Michel Lévy-Provençal, cette crise est davantage le fruit de notre négligence collective que d'un réel imprévu.
Publié dans les Echos le 29 juin 2020
Aux dernières nouvelles, le coût du coronavirus pour la France s'élève à 20 % de la richesse nationale ! Nous avons été le pays financièrement le plus touché au monde parce que notre gouvernement a dépensé comme aucun autre, et c'est tant mieux, pour soigner les séquelles économiques de la crise sanitaire. Mais aurions-nous pu faire autrement ? Plutôt que d'adopter une approche curative, aurions-nous pu choisir une approche préventive ?
Un rhinocéros gris
Nombreux sont ceux qui avaient alerté sur les risques graves d'une pandémie. Relisez le discours du secrétaire général de l'OCDE donné en février 2019, vous y retrouverez dans la liste habituelle des menaces pour le futur, celle d'une pandémie massive. Pourtant nous nous sommes réveillés uniquement au moment où la crise a frappé, surpris par ce que Nassim Nicholas Taleb a appelé un « cygne noir » : un phénomène imprévisible, improbable, qui survient de manière subite. En réalité, le phénomène était identifié de longue date et nous l'avons collectivement ignoré. Michele Wucker a parfaitement théorisé cela dans son best-seller « The Gray Rhino ». Contrairement au cygne noir, la crise du coronavirus est la conséquence de notre négligence, c'est un rhinocéros gris, un monstre bien connu mais ignoré dont on s'est soucié uniquement au moment où il s'est mis à nous foncer dessus.
La théorie du 1 %
Nous ignorons des scénarios majeurs que nous avons identifiés depuis bien longtemps car leurs effets ne nous semblent pas immédiats. Ils sont sociaux (inégalités, replis communautaires), sanitaires (infertilité, pandémies), technologiques (bioterrorisme, cyber blackout), environnementaux (cyclones, sécheresses), économiques (cracks, crise de la dette) et politiques (terrorisme, populisme…). Dick Cheney, vice-président des Etats-Unis, au lendemain de l'attaque contre le World Trade Center, avait théorisé la stratégie du 1 %. Si la probabilité de réalisation d'un phénomène atteignait 1 %, l'administration américaine devait y travailler et imaginer un plan d'action associé.
Etat chef d'orchestre
Aujourd'hui, cette approche aurait pu grandement nous aider. Mais l'Etat ne peut plus être le planificateur unique, parce qu'il n'en a plus les moyens et parce que le désir des citoyens d'être acteurs de leur destin collectif est immense. Il peut en revanche être le chef d'orchestre et l'exécutant. Le travail d'identification, de planification et d'adaptation pourrait être délégué à la société dans son ensemble pour collectivement nous préparer aux scénarios de demain. C'est pour cette raison, qu'en s'inspirant de la commission citoyenne pour le climat , nous pourrions créer une commission citoyenne pour le futur.