Jusqu'où peut-on modifier le vivant ?
Publié dans les Echos le 21 fev. 2017
Le 21 décembre dernier, le centre de recherche sur la cognition animale du CNRS publiait un article confirmant que le « blob » (surnom du Physarum polycephalum), un organisme composé d'une unique cellule géante et dépourvu de cerveau, était néanmoins capable d'apprendre de ses expériences. Quelques semaines plus tard, l'Institut d'astrobiologie de la Nasa annonçait la découverte de bactéries capables de vivre plus de 60.000 ans enfermées au coeur de cristaux, sans oxygène ni matière organique comme source d'énergie.
La recherche de nouvelles formes de vie sur Terre passionne toujours autant les chercheurs. Mais, désormais, elle va encore plus loin depuis que nous avons la capacité de manipuler le vivant à l'échelle de l'ADN et à moindre coût.
La technologie CRISPR-Cas9 est maintenant assez mature pour que sa co-inventrice, Jennifer Doudna, envisage de l'utiliser sur l'homme pour éviter la transmission de maladies génétiques. Aujourd'hui, les chercheurs ne se cantonnent même plus à manipuler le vivant tel que nous le connaissons, c'est-à-dire à partir d'un ADN à quatre éléments de base : ATGC. Ils vont jusqu'à sortir de ce cadre, avec certes une infime chance d'y parvenir, en introduisant de nouveaux composants. La start-up Synthorx expérimente cette voie pour créer de nouvelles protéines thérapeutiques, mais aussi de nouvelles formes potentielles de vie. Samedi dernier, devant les acteurs de la défense et de la sécurité réunis à Munich, Bill Gates a invité à être extrêmement vigilant à l'égard de ces technologies. Il a souligné les risques d'une épidémie massive si elles tombaient entre les mains de terroristes.
Depuis des millions d'années, les organismes vivants ont évolué sur Terre par la seule loi du hasard. Pour la première fois, probablement à partir du milieu du XXIe siècle, le vivant pourra évoluer par le seul choix de l'homme. La capacité que nous aurons de créer de super-intelligences artificielles, mais aussi de nouvelles formes de vie permettra à l'homme d'atteindre le but qu'il poursuit depuis le début de la révolution scientifique : devenir Dieu ! Sauf s'il disparaît avant...