Futurs de l'automobile : tendances, scenarios, risques et opportunités pour le secteur.
Ce dossier est le résultat d’une étude menée en octobre 2024 sur l’avenir du secteur automobile en France et sur le continent européen. Il a été élaboré en utilisant la démarche de scenario planning que j’enseigne à Science Po et en entreprise. Les scénarios qui en découlent peuvent être la base d’un jeu de simulation à utiliser en entreprise pour se préparer à des ruptures à venir.
Les offres de formation, conférences et workshops sur ces sujets sont détaillées ici.
Le podcast en anglais à propos du dossier
Scénario 1 : La mobilité autonome et partagée (2035)
En 2035, les grandes villes françaises ont adopté la mobilité autonome et partagée, transformant radicalement les déplacements urbains.
Voici quelques événements importants qui ont abouti à cette situation :
2026 : La RATP lance ses premières navettes autonomes à Paris, marquant le début d'une nouvelle ère. Cette expérimentation s'inscrit dans la lignée du projet de Renault Group avec WeRide, démontré lors du tournoi de Roland-Garros 2024.
2027 : Renault commercialise ses premiers véhicules personnels autonomes de niveau 3+, capitalisant sur l’expertise développée dans le transport public autonome.
2028 : Le gouvernement investit 5 milliards d'euros sur 5 ans pour adapter les infrastructures aux véhicules autonomes, suite aux recommandations d'une étude d'impact de la Commission européenne.
2030 : Lyon expérimente 50 robotaxis dans des zones dédiées, s'inspirant des simulations du Forum International des Transports (FIT) qui ont démontré le potentiel de la mobilité partagée pour réduire les émissions de CO2.
2032 : +80% des déplacements urbains s'effectuent via des services de mobilité intégrée (MaaS) qui avaient été introduits dans des villes françaises dés le début des années 2020 avec le Compte Mobilité à Mulhouse ou l'appli STAR à Rennes.
2035 : 30% de la mobilité urbaine est autonome et partagée dans les grandes métropoles françaises, un chiffre plus modeste mais réaliste par rapport aux prévisions initiales.
Une mobilité transformée
La sécurité routière s'est considérablement améliorée, avec 30% de décès en moins dans les zones équipées. L'accessibilité aux transports s'est démocratisée, notamment pour les personnes âgées et à mobilité réduite.
La congestion et les émissions de CO2 ont diminué dans les zones urbaines équipées, bien que des défis persistent dans les zones moins desservies par les transports en commun. Les villes se sont transformées, convertissant d'anciens parkings en espaces verts.
Les constructeurs automobiles ont diversifié leurs activités vers les services de mobilité. De nouveaux acteurs spécialisés dans la gestion de flottes autonomes ont émergé. Les concessionnaires se sont mués en centres de services de mobilité intégrés, reflétant l'évolution des comportements des consommateurs.
Probabilité estimée : Probable
Les progrès technologiques dans le domaine des véhicules autonomes sont constants, avec des entreprises comme Waymo et Cruise qui font des avancées significatives.
Les investissements dans ce domaine restent importants, malgré un ralentissement récent.
Le déploiement progressif prévu dans le scénario est réaliste et tient compte des défis réglementaires et d'acceptation sociale.
Cependant, les obstacles techniques pour une autonomie complète en milieu urbain dense restent importants.
L'adoption par le public pourrait être plus lente que prévu, notamment en raison des préoccupations liées à la sécurité et à la confidentialité.
Menaces et opportunités pour les acteurs du secteur d'ici 2035 si ce scénario se produit
Dans ce scénario, en 2035, les grandes villes françaises ont été transformées par l’adoption de la mobilité autonome et partagée. Les déplacements urbains ont été révolutionnés, avec 30 % de la mobilité urbaine réalisée par des moyens autonomes. Ce changement a été rendu possible grâce à des initiatives telles que le lancement de navettes autonomes par la RATP en 2026, l'investissement gouvernemental dans les infrastructures et l'expérimentation de robotaxis à Lyon. Ces projets ont contribué à une réduction significative des émissions de CO2 et à une amélioration de la sécurité routière. Parallèlement, l'accessibilité aux transports s'est améliorée, les constructeurs automobiles ont diversifié leurs activités vers les services de mobilité, et les villes ont converti d'anciens parkings en espaces verts. Cependant, de nombreux défis subsistent dans les zones moins desservies.
Cette nouvelle donne transforme également le secteur automobile. Les constructeurs traditionnels doivent réorienter leurs stratégies en intégrant les services de mobilité et en investissant dans les technologies autonomes. Parallèlement, de nouveaux acteurs technologiques émergent, refondant le paysage concurrentiel. Les fournisseurs de technologies, tels que les fabricants de capteurs et les développeurs de logiciels, voient leurs opportunités se multiplier, tandis que les entreprises de transport traditionnelles sont incitées à innover pour rester pertinentes.
Voici les menaces et opportunités qui se présentent pour les acteurs du secteur si ce scénario se réalise.
Les opportunités
Amélioration de la sécurité routière
L'intégration des technologies autonomes réduit significativement les erreurs humaines, principales causes d'accidents de la route. Les véhicules autonomes sont équipés de capteurs avancés et d'algorithmes sophistiqués qui permettent une réactivité optimale face aux situations complexes, diminuant ainsi le nombre d'accidents. De plus, la standardisation des comportements de conduite contribue à une meilleure prévisibilité du trafic.
Réduction de la congestion urbaine
Les véhicules autonomes partagés optimisent les flux de trafic grâce à une gestion centralisée et intelligente des trajets. En évitant les embouteillages et en réduisant le nombre de véhicules en circulation, la congestion urbaine diminue, améliorant l'efficacité des déplacements et la qualité de vie des citadins. L'utilisation de données en temps réel permet également d'ajuster les itinéraires pour une fluidité maximale.
Accessibilité accrue
La mobilité autonome favorise l'inclusion en offrant des solutions de transport adaptées aux personnes âgées, à mobilité réduite ou sans permis de conduire. Les services partagés permettent un accès flexible et abordable, élargissant ainsi l'accessibilité aux déplacements quotidiens. Cette démocratisation de la mobilité contribue à une société plus inclusive et équitable.
Nouveaux modèles économiques
L'émergence des services de mobilité intégrée ouvre la voie à de nouveaux modèles économiques basés sur l'abonnement, le partage de véhicules ou les plateformes de gestion de flottes autonomes. Les constructeurs automobiles peuvent diversifier leurs revenus en offrant des services de mobilité plutôt que de se limiter à la vente de véhicules. Par exemple, des entreprises pourraient proposer des abonnements mensuels pour des robotaxis ou des services de livraison automatisée, répondant ainsi à des besoins variés des consommateurs.
Transformation urbaine
La conversion des espaces dédiés au stationnement en espaces verts ou en zones piétonnes contribue à la revitalisation urbaine. Cette transformation urbaine améliore la qualité de vie en milieu urbain, tout en réduisant l'empreinte écologique des villes. Par exemple, la réaffectation d'anciens parkings souterrains en jardins publics ou en infrastructures récréatives peut renforcer le tissu social et attirer de nouveaux investissements dans les centres-villes.
Innovation continue
La demande pour des solutions de mobilité avancées stimule l'innovation en matière de technologies vertes, d'efficacité énergétique et de connectivité. Les entreprises peuvent investir dans la recherche et le développement de nouvelles technologies telles que les batteries à longue durée de vie, les systèmes de gestion intelligente de l'énergie ou les interfaces utilisateur avancées pour les véhicules autonomes.
Expansion des services
Les entreprises peuvent diversifier leurs offres en proposant des services complémentaires tels que la maintenance prédictive, les assurances basées sur l'utilisation ou les plateformes de gestion de mobilité intégrée. Par exemple, une plateforme pourrait offrir des services de diagnostic en temps réel des véhicules autonomes, anticipant les pannes et optimisant la maintenance pour réduire les coûts et améliorer la fiabilité des services.
Nouveaux services dans l’habitacle
Avec l'avènement des véhicules autonomes, les passagers gagnent du temps qu'ils peuvent consacrer à d'autres activités pendant leurs trajets. Les constructeurs automobiles ont ainsi l'opportunité de diversifier leurs offres en intégrant des services innovants directement dans l'habitacle pour enrichir le temps de trajet. Cette approche permet de transformer le véhicule en un espace polyvalent et connecté.
Les menaces
Dépendance technologique
La reliance accrue sur les technologies autonomes expose les acteurs du secteur à des risques de cybersécurité et à des pannes technologiques. Une attaque cyber ciblant les systèmes de véhicules autonomes pourrait paralyser l'ensemble du réseau de mobilité partagée. De plus, les défaillances techniques peuvent entraîner des interruptions de service coûteuses et nuire à la confiance des utilisateurs.
Coût élevé des infrastructures
Adapter les infrastructures urbaines pour accueillir les véhicules électriques autonomes nécessite des investissements considérables. La mise en place de réseaux de communication dédiés, la création de stations de recharge pour véhicules électriques autonomes représentent des dépenses significatives pour les collectivités locales et les opérateurs du secteur. Ces coûts peuvent freiner l'adoption rapide des technologies autonomes.
Acceptation sociale et réglementaire
L'adoption des véhicules autonomes dépend largement de l'acceptation par le public et de la mise en place d'un cadre réglementaire adapté. La méfiance envers les technologies autonomes, les préoccupations relatives à la sécurité et les résistances culturelles peuvent freiner leur adoption. Par exemple, des incidents médiatisés impliquant des véhicules autonomes pourraient renforcer la réticence du public et ralentir la mise en œuvre des technologies. De plus, des régulations strictes ou incohérentes entre les pays européens peuvent compliquer l'expansion des services autonomes.
Compétition internationale
Le secteur des véhicules autonomes est hautement compétitif, avec des entreprises internationales investissant massivement dans la recherche et le développement. La pression exercée par des acteurs étrangers bien financés peut menacer la position des entreprises locales, notamment en termes d'innovation et de part de marché. Par exemple, des géants technologiques comme Waymo ou Tesla pourraient dominer le marché, rendant difficile pour les entreprises européennes de rivaliser sans des investissements substantiels.
Obsolescence des compétences
Les professionnels de l'industrie doivent acquérir de nouvelles compétences en informatique, en intelligence artificielle et en gestion des données pour répondre aux exigences des technologies autonomes. Le manque de formation adéquate et la difficulté à recruter des talents qualifiés peuvent ralentir l'innovation et la mise en œuvre des nouvelles technologies.
Volatilité du marché
Les investissements massifs nécessaires pour le développement des véhicules autonomes peuvent entraîner une volatilité financière, notamment en cas d'échec technologique ou de retards réglementaires. Par exemple, des retards dans le déploiement des infrastructures ou des problèmes techniques non résolus peuvent dissuader les investisseurs et nuire à la stabilité financière des entreprises du secteur.
Risques environnementaux
Bien que la mobilité autonome puisse réduire les émissions de CO2, la production accrue de véhicules autonomes et les infrastructures associées pourraient entraîner une consommation énergétique significative et une augmentation des déchets électroniques. La gestion durable de ces aspects est cruciale pour éviter des impacts environnementaux négatifs.
Ce premier scénario est probable, et j’explique pourquoi dans l’article précédent. Mais un autre scénario l’est encore plus : la transition du secteur vers l’économie circulaire. Dans cette hypothèse, très probable, voici les menaces et opportunités pour l’industrie française et européenne de l’automobile.
Comment certains se préparent à ce scénario
Innover, innover, innover
La clé reste l’innovation. A ce titre on peut noter quelques exemples emblématiques :
Hyundai Mobis bouleverse les codes de la mobilité avec son système "e-Corner" qui permet aux véhicules de se déplacer latéralement comme un crabe. Cette innovation, présentée au CES 2024 avec le véhicule MOBION, intègre quatre technologies critiques dans chaque roue. Le système permet non seulement le déplacement latéral, mais aussi la conduite en diagonale et les rotations sur place, offrant une manœuvrabilité sans précédent en milieu urbain. Chaque roue est équipée d'un petit moteur électrique indépendant, contrairement au moteur unique traditionnel des véhicules électriques
Continental et Volterio ont développé une solution de recharge entièrement automatisée pour véhicules électriques. Le système comprend deux composants : une unité dans le soubassement du véhicule et une autre au sol. L'innovation majeure réside dans sa tolérance aux imprécisions de stationnement : le robot peut corriger un écart allant jusqu'à 30 centimètres par rapport à la position idéal. La production en série débute en Allemagne, d'abord pour les particuliers avec une puissance de 22kW en courant alternatif, puis pour les espaces publics avec plus de 50kW en courant continu
Signer des partenariats pour… innover
Face à la complexité croissante des technologies autonomes, les alliances stratégiques se multiplient dans le secteur automobile pour innover. C’est le cas de Renault Group qui a choisi WeRide comme partenaire stratégique pour le déploiement commercial de véhicules autonomes de niveau 4. WeRide, qui exploite déjà plus de 700 véhicules autonomes dont 300 minibus en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord, apporte son expertise technique au constructeur français pour une expansion européenne.
WeRide s'impose comme un acteur majeur avec plus de 700 véhicules autonomes en service, dont 300 minibus. Sa flotte a déjà parcouru plus de 28 millions de kilomètres en Asie, au Moyen-Orient et en Amérique du Nord. L'entreprise vient de dévoiler son nouveau taxi autonome GXR, présenté comme le plus spacieux au monde, avec des dimensions impressionnantes de 16 pieds de long et une hauteur intérieure de 4,3 pieds.
La collaboration entre Zeekr et Waymo illustre aussi la convergence entre constructeurs traditionnels et géants technologiques. Leur robotaxi de sixième génération, basé sur la plateforme SEA de Zeekr, intègre les dernières avancées technologiques de Waymo tout en réduisant le nombre de capteurs, passant de 29 à 13 caméras. Cette optimisation permet de diminuer les coûts tout en maintenant une performance de haut niveau.
Enfin, Kodiak Robotics ouvre de nouvelles perspectives dans le transport de marchandises. L'entreprise prévoit de lancer ses premiers essais sans conducteur sur routes publiques cette année, en commençant par la liaison Dallas-Houston. Avec plus de 70 000 miles parcourus mensuellement sur 18 000 miles d'autoroutes, Kodiak vise une commercialisation de ses camions autonomes dès 2025.
Investir dans les infrastructures pour véhicules autonomes
La course aux infrastructures pour véhicules autonomes s'accélère aussi. On pense parfois qu’aucune infrastructure supplémentaire n’est nécessaire. Mais c’est une erreur.
La ville de Wuhan illustre parfaitement cette ambition avec un investissement de 17 milliards de RMB (2,3 milliards d'euros) pour transformer ses infrastructures. Ce projet comprend la création de 15 000 places de stationnement intelligent, la modernisation de trois miles de routes connectées, la construction d'un parc industriel dédié aux puces pour véhicules autonomes.
En Europe, plusieurs projets d'envergure émergent. L'Allemagne, avec son Autonomous Driving Act de 2021, permet désormais les tests de véhicules de niveau 4 en conditions réelles. La France investit dans le projet "Mach 2" à Châteauroux, intégrant une flotte de minibus autonomes au réseau de transport public.
Le déploiement de la 5G joue un rôle crucial. En Chine, les trois principaux opérateurs (China Mobile, China Unicom et China Telecom) ont déjà installé 200 000 stations de base 5G sur un objectif de 500 000. Cette infrastructure permet une réduction des coûts des équipements embarqués, une amélioration de la sécurité grâce à une latence ultra-faible, et une optimisation du traitement des données en temps réel.
Différencier la stratégie sur les véhicules individuels et les transports publics
Renault Group, à ce titre a ouvert la voie avec une approche différenciée qui fait sens : en ce qui concerne les véhicules particuliers, Renault met pour le moment l'accent sur l'assistance à la conduite plutôt que sur l'autonomie totale. Pour les transports publics en revanche, l'autonomie complète devient une priorité, avec des minibus électriques autonomes opérant 24h/24. Pourquoi cette stratégie est pertinente ?
Renault fait preuve de pragmatisme avant tout! La stratégie d'assistance plutôt que d'autonomie totale pour les véhicules particuliers se justifie par trois facteurs clés :
Les contraintes technologiques et économiques d’abord : le passage du niveau 2 au niveau 3 d'autonomie présente des défis technologiques et économiques considérables. Le cadre réglementaire ensuite : les réglementations actuelles et les attentes des clients ne sont pas encore alignées avec une autonomie complète pour les véhicules individuels
En revanche pour les transports publics, l’autonomie devient une nécessité stratégique
C’est une réponse aux enjeux urbains. En effet, plus de 400 grandes villes européennes vont progressivement devenir des zones à faibles émissions tout en devant assurer la mobilité de leurs populations. Les minibus autonomes électriques représentent une solution efficace à ce double défi.
Aussi, il y des avantages opérationnels concrets. Les minibus autonomes peuvent fonctionner 24h/24 et 7j/7, offrant une flexibilité maximale et une optimisation des coûts d'exploitation. Cette disponibilité permanente répond aux besoins croissants de mobilité urbaine.
Le projet "Mach 2" à Châteauroux, prévu pour 2026, démontre la viabilité de cette approche. Cette stratégie différenciée permet à Renault de développer des solutions innovantes et pragmatiques, adaptées aux besoins spécifiques de chaque segment du marché, tout en maintenant une vision réaliste des possibilités technologiques et des attentes des utilisateurs.
Développer des services de mobilité intégrée
L'Europe s'impose comme le leader mondial du "Mobility-as-a-Service" (MaaS), concentrant plus de 70% des applications mondiales dans ce domaine. La récente acquisition de MaaS Global par umob marque un tournant décisif dans cette évolution.
Par exemple, umob, plateforme basée à Rotterdam, vient de franchir une étape majeure en acquérant MaaS Global, pionnier finlandais du MaaS. Cette acquisition permet à umob d'intégrer une technologie éprouvée, avec plus d'un million d'utilisateurs et plus de 31 millions de trajets réalisés. umob propose désormais une solution intégrée donnant accès à plus de 50 000 options de mobilité. La plateforme permet aux utilisateurs de planifier leurs trajets, réserver différents modes de transport payer via une interface unique. Le tout aux mêmes tarifs que les opérateurs directs.
La plateforme a déjà intégré des acteurs majeurs comme Cooltra, Donkey Republic et GO Sharing, en plus des services de transport public et de taxi. umob utilise les données anonymisées pour cartographier les schémas de déplacement et identifier les opportunités d'amélioration de la mobilité urbaine. Cette approche permet aux municipalités de mieux comprendre et résoudre leurs défis de mobilité.
Prioriser la cybersécurité
Face aux risques croissants de cyberattaques, les constructeurs doivent renforcer leurs systèmes de sécurité. Il faut savoir que les cyberattaques dans le secteur automobile ont radicalement augmenté ces trois dernières années. Par conséquent, les grands constructeurs étoffent significativement leurs équipes de cybersécurité.
Le secteur adopte progressivement le principe de "zéro confiance", qui impose une vérification continue de chaque utilisateur et appareil tentant d'accéder aux systèmes du véhicule. Cette approche implique le chiffrement systématique des données, l'authentification multifacteur et des mises à jour logicielles régulières.
Depuis juillet 2024, les nouveaux véhicules doivent respecter les normes très strictes. Ces normes imposent aux constructeurs : l'obtention d'une certification de leur système de gestion de la cybersécurité, la mise en place de procédures pour des mises à jour logicielles sécurisées, l'intégration de la cybersécurité dès la conception des véhicules
Scénario 2 : L'ère de l'économie circulaire automobile (2035)
Voici quelques événements importants qui ont abouti à cette situation :
En 2035, l'industrie automobile française est devenue un modèle d'économie circulaire et de durabilité.
2027 : Face aux défis techniques et économiques, l'objectif d'électrification est revu à 70% des ventes de véhicules neufs pour 2035, un chiffre plus réaliste que les 100% initialement prévus.
2028 : Renault lance le premier véhicule conçu selon les principes de l'économie circulaire, avec 50% de composants recyclés, s'inscrivant dans la lignée de l'initiative "The Future Is NEUTRAL".
2030 : Le constructeur vietnamien VinFast capture 5% du marché français des véhicules électriques, illustrant la concurrence croissante des acteurs asiatiques.
2032 : La France atteint le million de points de recharge publics, facilitant l'adoption des véhicules électriques.
2034 : Inauguration de la première usine de démantèlement et reconditionnement de batteries à grande échelle, répondant aux enjeux de durabilité du secteur.
2035 : 60% des ventes de véhicules neufs sont électriques, un chiffre en deçà des objectifs initiaux mais représentant une transformation majeure. Ce pourcentage s'aligne avec les prévisions plus réalistes du secteur.
Une industrie réinventée
Les émissions de CO2 liées au transport ont significativement diminué, bien que moins que prévu initialement. Une conscience écologique accrue s'est développée autour de la durabilité et de l'économie circulaire.
De nouveaux métiers ont émergé dans le recyclage et le reconditionnement automobile, répondant aux besoins d'une industrie en mutation]. Les habitudes de consommation ont évolué vers des véhicules et services de mobilité plus durables, avec une augmentation de la demande pour des petites citadines électriques abordables.
Les constructeurs ont intégré l'économie circulaire au cœur de leur modèle, suivant l'exemple de Renault Group. Un écosystème d'entreprises spécialisées dans le recyclage et la réutilisation des composants s'est développé. La concurrence s'est intensifiée avec l'arrivée de constructeurs étrangers, stimulant l'innovation et poussant les acteurs traditionnels à se réinventer.
Probabilité estimée : Très probable.
La pression réglementaire pour la transition vers des véhicules plus écologiques est forte et croissante.
Les investissements dans l'électrification et l'économie circulaire sont déjà importants et en augmentation.
Le scénario prévoit une adoption progressive et réaliste de l'électrification (60% des ventes en 2035), ce qui semble atteignable au vu des tendances actuelles.
Les initiatives d'économie circulaire dans l'automobile se multiplient déjà.
Cependant, les défis liés à l'approvisionnement en matières premières pour les batteries et le développement des infrastructures de recharge pourraient ralentir cette transition.
Menaces et opportunités pour les acteurs du secteur d'ici 2035 si ce scénario se produit
Dans ce scénario, en 2035, l'industrie automobile française s'est transformée en un modèle d'économie circulaire. Le modèle de production a été chamboulé : de la conception à la fabrication des véhicules, en passant par l'essor de nouvelles infrastructures comme les points de recharge et les usines de reconditionnement de batteries. Cette transition a été marquée par une adoption croissante des véhicules électriques, bien que les objectifs initiaux d'électrification aient été ajustés à des niveaux plus réalistes, ainsi que par l'émergence de nouveaux métiers dans le recyclage et le reconditionnement. L'arrivée de concurrents étrangers a intensifié l'innovation, poussant les constructeurs traditionnels à repenser leurs modèles économiques pour répondre à une demande accrue de mobilité durable et abordable.
Cette révolution a incité les constructeurs à réorienter leurs chaînes de production, à investir dans de nouvelles technologies et à repenser leurs modèles économiques.
Voici les opportunités et menaces pour l’industrie dans la perspective de ce scénario.
Les opportunités
Réduction des émissions de CO2
L'industrie automobile adopte massivement les véhicules électriques, contribuant ainsi à une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre. Cette transition vers des moteurs plus propres répond aux réglementations environnementales strictes imposées par l'Union européenne, et l'efficacité énergétique des véhicules permet de réduire l'empreinte carbone globale du secteur.
Économie circulaire intégrée
L'intégration de l'économie circulaire dans le secteur automobile favorise l'utilisation de matériaux recyclés et le reconditionnement des composants. Cette approche permet non seulement de diminuer les coûts de production, mais également de réduire les déchets industriels. Les initiatives telles que la récupération des batteries usagées pour leur second usage ou leur recyclage sont des exemples concrets de cette dynamique.
Innovation technologique
L'essor des véhicules électriques pave la voie à de nombreuses innovations technologiques. Les batteries à l'état solide, par exemple, promettent une densité énergétique plus élevée et une sécurité accrue, ce qui pourrait révolutionner le stockage de l'énergie. Parallèlement, le développement de systèmes de conduite autonome intégrant l'intelligence artificielle améliore la sécurité et l'efficacité des transports. De plus, l'intégration des véhicules électriques dans les réseaux électriques intelligents, ou smart grids, permet une gestion optimisée de l'énergie et favorise l'adoption des énergies renouvelables.
Création d'emplois verts
La transition vers une économie plus verte génère de nouvelles opportunités d'emploi. Des techniciens spécialisés dans le recyclage automobile se concentrent sur le démontage et la réutilisation des composants usagés. Les ingénieurs en énergies renouvelables développent des solutions énergétiques durables pour alimenter les véhicules électriques, tandis que les experts en gestion des matériaux optimisent l'utilisation des ressources et assurent la conformité aux normes environnementales. Cette diversification des compétences nécessaires stimule la création de postes qualifiés dans le secteur.
Leadership écologique
Les entreprises pionnières en matière de durabilité peuvent renforcer leur position sur le marché en obtenant des certifications écologiques reconnues, ce qui améliore la confiance des consommateurs. De plus, l'engagement à réduire les émissions de CO2, attirent une clientèle de plus en plus soucieuse de l'environnement. Ces actions permettent aux entreprises de se distinguer et de consolider leur image de leader écologique.
Diversification des services
L'émergence de services liés à la mobilité électrique ouvre de nouveaux marchés. L'installation de bornes de recharge domestiques et publiques répond à la demande croissante des utilisateurs de ces véhicules. Les services de maintenance spécialisée, incluant la gestion des batteries, offrent une prise en charge complète des véhicules électriques. Par ailleurs, les solutions de mobilité partagée, telles que le covoiturage et l'autopartage, permettent de développer des offres attractives pour les consommateurs.
Collaboration sectorielle
Les partenariats entre constructeurs, fournisseurs et start-ups peuvent accélérer l'innovation dans le secteur. Les joint-ventures technologiques facilitent le développement de technologies avancées de batteries ou de conduite autonome. Les projets de recherche communs permettent d'explorer de nouvelles solutions écologiques et économiques, favorisant ainsi une synergie entre les différents acteurs du marché. Ces collaborations renforcent la capacité d'innovation.
Les menaces
Dépendance aux matières premières
La production de véhicules électriques repose fortement sur des matières premières critiques comme le lithium, le cobalt et le nickel. Cette dépendance expose l'industrie aux fluctuations des prix et aux risques géopolitiques liés à l'approvisionnement. L'extraction de ces ressources soulève aussi des préoccupations éthiques et environnementales, pouvant impacter la réputation des fabricants.
Infrastructure de recharge insuffisante
Le manque d'infrastructures de recharge constitue un frein majeur à l'adoption massive des véhicules électriques. En dépit des avancées technologiques, le déploiement des stations de recharge reste inégal selon les régions, limitant l'autonomie. Cette insuffisance infrastructurelle nécessite des investissements importants pour garantir une couverture adéquate et encourager les consommateurs à opter pour des solutions plus vertes.
Concurrence internationale accrue
L'entrée de nouveaux acteurs internationaux, notamment asiatiques comme VinFast, intensifie la concurrence sur le marché européen. Ces entreprises apportent des innovations disruptives et des stratégies de prix agressives, mettant sous pression les constructeurs locaux. VinFast, par exemple, prévoit de lancer plusieurs modèles abordables et performants sur le marché européen d'ici 2025. De plus, l'introduction rapide de nouvelles technologies par des concurrents étrangers peut rendre les solutions actuelles obsolètes, obligeant les entreprises locales à innover constamment pour rester compétitives.
Fluctuations économiques
Les incertitudes économiques, telles que les variations des taux de change, l'inflation ou les crises financières, peuvent impacter les investissements dans l'électrification et l'économie circulaire. Ces fluctuations peuvent entraîner des retards dans les projets de développement, suspendant ou ralentissant les initiatives de recherche et développement. L'augmentation des coûts de production, due à la hausse des prix des matières premières et des composants essentiels, peut également réduire la rentabilité des entreprises. En conséquence, les marges bénéficiaires peuvent diminuer en raison de coûts imprévus, affectant la stabilité financière du secteur.
Obsolescence technologique
Les entreprises qui ne parviennent pas à innover risquent de perdre leur compétitivité face à des technologies émergentes. Par exemple, l'émergence de batteries plus performantes pourrait rendre les solutions actuelles obsolètes. De même, les systèmes de conduite autonome propriétaires moins avancés pourraient être dépassés par des solutions open-source ou concurrentes, compromettant ainsi la position des entreprises sur le marché. Cette obsolescence technologique menace la pérennité des acteurs qui ne s'adaptent pas rapidement aux évolutions du secteur.
Réputation
Le manque de transparence dans les chaînes d'approvisionnement peut entraîner une méfiance des consommateurs, affectant la réputation des entreprises et leur capacité à fidéliser leur clientèle. La gestion éthique et transparente des ressources est cruciale pour maintenir une image positive.
Financement
Les investissements nécessaires pour réaliser cette transition représentent un fardeau financier important. Les coûts élevés de recherche et développement pour le développement de nouvelles technologies exigent des dépenses substantielles. De plus, le financement des infrastructures, comme le déploiement d'un réseau de recharge adéquat, nécessite des levées de fonds significatives. Enfin, le risque d'endettement augmente pour les entreprises en raison des investissements lourds nécessaires, ce qui peut compromettre leur stabilité financière à long terme.
Comment certains se préparent à ce scénario
Repenser la conception des véhicules
La première priorité consiste à intégrer l'économie circulaire dès la phase de conception. Cette approche systémique permet d'optimiser l'utilisation des ressources tout en prolongeant la durée de vie des composants. Plusieurs constructeurs et équipementiers ont lancé des initiatives innovantes dans ce domaine :
Valeo montre la voie avec son programme "4R" (Robust Design, Repair, Remanufacturing, Recycle) lancé en 2023. Ce programme vise à transformer la mentalité en matière de conception, d'opérations et de modèles économiques. Un exemple concret est le développement d'une lame d'essuie-glace innovante, Canopy, utilisant plus de 80% de matériaux naturels, renouvelables ou recyclés.
Stellantis a dévoilé en 2022 le concept-car Citroën Oli, composé à 100% de composants recyclés. Ce véhicule démontre l'engagement du groupe envers des initiatives commerciales circulaires et sert de vitrine pour les futures innovations en matière de conception durable.
BMW a présenté son concept i Vision Circular, qui intègre les principes de l'économie circulaire dès la phase de conception. BMW i Vision Circular incarne le projet du Groupe,de développement et de fabrication.). Le véhicule utilise des matériaux recyclés et recyclables, et sa conception modulaire facilite le démontage et le recyclage en fin de vie.
Polestar, en collaboration avec l'entreprise Bcomp, a développé le concept RE:MOVE, un véhicule de transport léger utilisant des matériaux composites naturels. Cette approche permet de réduire le poids du véhicule jusqu'à 50% et l'utilisation de plastique jusqu'à 70% dans les panneaux intérieurs.
Créer des hubs de circularité
La création de centres dédiés à l'économie circulaire représente aujourd'hui un axe stratégique majeur pour l'industrie automobile. Les constructeurs développent des infrastructures innovantes qui transforment radicalement leur approche de la production et du recyclage.
Stellantis a ouvert la voie avec son SUSTAINera Circular Economy Hub inauguré à Turin en 2023. Installé dans le complexe historique de Mirafiori, ce centre de 73 000 m² représente un investissement de 40 millions d'euros et vise à employer 550 personnes d'ici 2025. Le hub intègre des activités de reconditionnement des moteurs, des boîtes de vitesses et des batteries haute tension, ainsi que la remise en état et le démantèlement des véhicules.
Renault Group a également fait figure de pionnier avec sa Refactory de Flins, première usine européenne d'économie circulaire dédiée à la mobilité. Le site s'organise autour de quatre pôles d'expertise : Re-trofit pour la conversion des véhicules thermiques en électriques, Re-energy pour l'optimisation du cycle de vie des batteries, Re-cycle pour le traitement des véhicules en fin de vie, et Re-start pour la formation et l'innovation.
Ces hubs de circularité développent des synergies industrielles importantes. Par exemple, Stellantis a noué des partenariats stratégiques avec Galloo pour la gestion des véhicules en fin de vie, Orano pour le recyclage des batteries, et Qinomic pour le rétrofit électrique des véhicules utilitaires. L'objectif est ambitieux : Stellantis prévoit de générer plus de 2 milliards d'euros de revenus d'ici 2030 grâce à ses activités d'économie circulaire. Le hub de Turin vise à traiter 2,5 millions de pièces d'ici 2025, pour atteindre 8 millions en 2030. Le taux de récupération des matériaux atteint déjà 60% pour les composants remanufacturés.
Développer les partenariats stratégiques
L'alliance entre Renault Group et SUEZ, officialisée en octobre 2024, représente un investissement conjoint de 140 millions d'euros pour développer The Future Is NEUTRAL. SUEZ apporte son expertise en gestion des déchets et sa capacité à produire des flux homogènes de matières recyclées à l'échelle industrielle, tandis que Renault contribue avec sa maîtrise de la chaîne de valeur automobile et ses installations comme la Refactory de Flins.
Toyota poursuit sa stratégie Battery 3R en s'associant avec Redwood Materials pour créer une chaîne d'approvisionnement circulaire optimisée. Cette collaboration permet d'améliorer la logistique, d'étendre le raffinage et de réintroduire les métaux précieux récupérés dans les futurs véhicules. Le constructeur japonais a également développé un partenariat avec Jera pour construire un système de stockage d'énergie utilisant des batteries de véhicules usagés.
Mercedes-Benz démontre également l'importance des partenariats en développant une usine de recyclage de batteries lithium de 7 000 m² en Allemagne. Cette installation, qui devrait être opérationnelle fin 2024, aura une capacité annuelle de traitement de 2 500 tonnes de matériaux de batteries provenant de véhicules hybrides et électriques.
Investir dans les infrastructures de recyclage
L'usine Valeo de Seymour aux États-Unis est devenue un modèle en matière de recyclage innovant. Son processus breveté de démontage des phares permet non seulement de récupérer les composants électroniques mais aussi de les réintégrer dans la chaîne de production. Cette initiative a permis d'éviter 58 tonnes de déchets en seulement six mois, démontrant la viabilité économique et environnementale de telles solutions.
En France, l'inauguration récente de l'usine Eramet-Suez à Trappes marque une étape importante dans le développement du recyclage des batteries. Ce site pilote prépare le terrain pour deux grands centres qui seront implantés à Dunkerque. La première usine, dédiée au démantèlement des batteries, sera opérationnelle fin 2025, suivie d'une seconde en 2027 pour le traitement des matériaux. L'objectif est ambitieux : recycler 90% des matériaux de 200 000 batteries par an, représentant 5 000 tonnes de nickel, 1 000 tonnes de cobalt et 5 000 tonnes de lithium.
BMW a inauguré en Allemagne une usine de recyclage de batteries lithium de 7 000 m², qui sera opérationnelle fin 2024 (https://www.mac4ever.com/auto/184833-mercedes-benz-inaugure-son-usine-de-recyclage-de-batteries). Cette installation aura une capacité annuelle de traitement de 2 500 tonnes de matériaux de batteries provenant de véhicules hybrides et électriques, illustrant l'engagement des constructeurs premium dans l'économie circulaire.
Ces investissements dans les infrastructures de recyclage ne sont pas seulement une réponse aux exigences environnementales, mais représentent également une opportunité économique majeure.
Innover dans les matériaux durables
Les solutions développées par Bcomp, entreprise soutenue par Volvo, illustrent parfaitement cette tendance. Leurs technologies basées sur les fibres de lin permettent de réduire jusqu'à 50% le poids des véhicules et 70% l'utilisation de plastique dans les panneaux intérieurs, tout en diminuant les émissions de CO2 de 60%. Cette approche révolutionnaire démontre qu'il est possible de concilier performance et durabilité.
Mercedes-Benz fait figure de pionnier avec son modèle électrique VISION EQXX, qui intègre UBQ™, un thermoplastique bio-sourcé révolutionnaire fabriqué à partir de déchets ménagers. Cette innovation permet de détourner les déchets des décharges tout en créant un substitut durable aux plastiques traditionnels.
Volkswagen, en collaboration avec la start-up Revoltech, développe LOVR™, un matériau innovant fabriqué à partir de chanvre industriel. Ce matériau 100% bio-sourcé est spécifiquement conçu pour l'industrie automobile et pourrait être utilisé dans les véhicules dès 2028.
Dans le domaine des pneumatiques, Michelin a reçu le prix Automotive INNOVATIONS Award 2023 pour ses pneus contenant 45% de matériaux durables. Le groupe vise ambitieusement 100% de matériaux durables d'ici 2050, avec un objectif intermédiaire de 40% d'ici 2030.
Cette transformation des matériaux s'étend également aux intérieurs des véhicules. Volvo s'est engagé à rendre ses véhicules électriques entièrement végans d'ici 2030, avec un objectif intermédiaire de 25% des nouvelles voitures sans cuir d'ici 2025. Le constructeur explore notamment l'utilisation de cuir végétal fabriqué à partir de champignons et de déchets d'ananas.
L'université de Birmingham et Recyclus Group ont créé le Universal Battery Recycling System, un système mobile révolutionnaire capable de recycler tous types de batteries lithium-ion. Cette innovation permet de traiter entre 500 et 2 000 kilogrammes de batteries par heure, séparant les matériaux en cinq catégories recyclables distinctes : la "masse noire" contenant les métaux précieux, l'électrolyte, les métaux ferreux, les métaux non-ferreux et les fractions légères.
Digitaliser la traçabilité
La Chine fait figure de précurseur avec son système national de traçabilité des batteries, opérationnel depuis 2018. Ce système permet de suivre chaque batterie de véhicule électrique tout au long de son cycle de vie, de sa fabrication jusqu'à son recyclage. Les constructeurs chinois comme BYD et CATL ont déjà intégré ce système qui couvre aujourd'hui plus de 80% des batteries produites dans le pays.
L'Union Européenne a emboîté le pas avec un règlement qui rend obligatoire le "passeport batterie" dès février 2027. Ce système digital devra contenir plus de 90 attributs de données répartis en sept catégories, permettant une traçabilité complète des composants. Stellantis et Volkswagen ont déjà lancé des projets pilotes en anticipation de cette réglementation.
Le consortium "Battery Pass", regroupant 11 partenaires industriels et académiques, travaille actuellement sur la standardisation de ces passeports numériques. Mercedes-Benz, membre du consortium, a déjà mis en place un système de traçabilité blockchain pour ses batteries haute tension, permettant de suivre les émissions de CO2 et l'utilisation de matériaux recyclés.
Au Japon, le Ministère de l'Économie, du Commerce et de l'Industrie a lancé en 2023 une initiative similaire visant à standardiser la déclaration des émissions liées à la production des batteries. Toyota collabore avec la start-up Circularise pour développer une plateforme blockchain assurant la traçabilité des matériaux critiques comme le lithium et le cobalt.
Aux États-Unis, l'Inflation Reduction Act a catalysé le développement de solutions de traçabilité. Ford et General Motors ont rejoint le Global Battery Alliance pour développer un système compatible avec les standards internationaux. La start-up américaine Everledger a déployé une solution permettant de suivre l'origine des matériaux des batteries et leur empreinte carbone.
La Global Battery Alliance, qui regroupe plus de 110 organisations internationales, travaille à l'harmonisation de ces différentes initiatives. Leur objectif est de créer un standard mondial de passeport batterie qui permettrait d'éviter la multiplication des systèmes régionaux incompatibles entre eux.
Cette digitalisation de la traçabilité s'étend progressivement à d'autres composants majeurs des véhicules. Renault expérimente depuis 2023 un système de traçabilité blockchain pour ses moteurs électriques, tandis que BMW applique cette technologie à ses composants en plastique recyclé.
Les bénéfices de cette digitalisation sont multiples : lutte contre la contrefaçon, optimisation de la maintenance prédictive, facilitation du recyclage en fin de vie, et amélioration de la transparence pour les consommateurs. Les experts estiment que d'ici 2030, plus de 95% des composants majeurs des véhicules seront équipés d'un passeport numérique, transformant radicalement la gestion du cycle de vie des automobiles.
En conclusion
Au delà de ces scénarios…
Au cours de cette exploration, nous avons examiné en profondeur deux tendances majeures qui façonnent le paysage industriel automobile en France et en Europe : l’automatisation et l'économie circulaire. Ces analyses nous ont permis d'identifier deux scénarios principaux, offrant un aperçu des futurs possibles dans ces domaines.
Cependant, l'avenir de l’automobile ne se limite pas à ces deux axes. Une multitude d'autres scénarios peuvent se concrétiser, influencés par diverses tendances émergentes et innovations technologiques. Dans cet article final, nous élargissons notre perspective pour explorer d'autres tendances significatives, tout en soulignant l'importance des signaux faibles qui pourraient rapidement et de manière inattendue faire évoluer nos scénarios.
La restructuration face à la concurrence chinoise
La probabilité d'une domination chinoise sur le marché des véhicules électriques d'entrée de gamme s'est confirmée, avec une progression spectaculaire des importations européennes de véhicules électriques chinois, passant de 1,6 milliards de dollars en 2020 à 11,5 milliards en 2023. Les constructeurs européens sont contraints de se réinventer face à cette concurrence, comme en témoigne l'introduction récente de nouvelles taxes douanières pouvant atteindre 35,3% en plus des droits existants de 10%.
Cette transformation s'accompagne d'une multiplication des partenariats stratégiques. Leapmotor, en collaboration avec Stellantis, prépare le lancement d'une citadine assemblée en Pologne. BYD, leader chinois du secteur, construit actuellement une usine en Hongrie et vise ambitieusement 5% du marché européen d'ici 2026.
Face à cette pression, les constructeurs européens adoptent différentes stratégies. Certains, comme Volkswagen, ont dû annoncer pour la première fois de leur histoire la possibilité de fermetures d'usines en Allemagne. D'autres se tournent vers les segments premium et les services de mobilité avancés, cherchant à maintenir leur avantage technologique plutôt que de concurrencer directement les prix chinois.
Cette restructuration s'accélère alors que les ventes de véhicules électriques chinois en Europe ont connu une baisse significative de 48% en août 2024, suggérant peut-être l'efficacité des mesures protectionnistes récemment mises en place. Cependant, les analystes estiment que même avec ces nouvelles taxes, les constructeurs chinois conserveront une marge suffisante pour maintenir leur compétitivité sur le marché européen.
La révolution logicielle du secteur
La transformation des véhicules en plateformes technologiques présente une probabilité de réalisation très élevée. Tesla est un précurseur en la matière. Aujourd’hui ses voitures sont des smartphones sur roues ! Cette tendance se généralise et touche les constructeurs traditonnels.
Stellantis a annoncé en juin 2024 le déploiement de sa plateforme STLA Brain d'ici fin 2024, avec une première intégration dans ses véhicules prévue pour 2025. Le groupe a déjà fourni plus de 94 millions de mises à jour "over-the-air" en 2023, démontrant la maturité de cette approche.
Volkswagen maintient son objectif de lancer son premier véhicule "défini par logiciel" d'ici 2028, développé par sa division Cariad. Cette transformation vise à augmenter le chiffre d'affaires du secteur de 40% selon les études d'Accenture.
Cette évolution s'accompagne d'une redéfinition profonde du modèle économique. Les études récentes d'EY prévoient un chiffre d'affaires de plus de 100 milliards d'euros d'ici 2030 pour les services logiciels automobiles. Stellantis confirme cette tendance avec déjà 5 millions d'utilisateurs de produits sur abonnement en 2023.
La mobilité aérienne urbaine : une révolution retardée mais en marche
La mobilité aérienne urbaine représente une rupture technologique majeure, avec une probabilité de réalisation faible d'ici 2035, du fait de retards dans les premiers déploiements. Par exemple, le projet initial d'Helipass pour les JO 2024 n'a pas pu se concrétiser faute de certification des moteurs dans les délais.
Malgré les défis techniques qui persistent, le secteur continue son développement avec des projets concrets. Volocopter, valorisé à 1,87 milliard de dollars, prépare ses premiers lancements commerciaux dans plusieurs villes comme Singapour et Rome. L'entreprise a déjà réalisé plus de 2 000 vols tests dans des villes comme Dubai, Singapore et Osaka. Le cadre réglementaire se structure progressivement, avec l'adoption par la Commission Européenne en avril 2024 d'un ensemble complet de règles secondaires sur les drones et les aéronefs à décollage et atterrissage vertical. Ces réglementations, qui entreront en vigueur en mai 2025, établissent notamment les exigences pour la certification des pilotes et les opérations commerciales. L'industrie se prépare également au niveau des infrastructures. Des entreprises comme Urban-Air Port développent des "vertiports" dédiés aux taxis aériens, avec un financement de 25,66 millions de dollars pour déployer ces infrastructures essentielles. Ces développements confirment que, malgré les retards initiaux, la mobilité aérienne urbaine reste une tendance à suivre pour l'avenir du transport.
Est-ce trop tard ?
L'analyse de ces tendances révèle une situation particulièrement préoccupante pour l'industrie automobile européenne. Prise en étau entre la domination technologique américaine dans le logiciel et l'intelligence artificielle, et l'efficacité industrielle chinoise dans la production de masse, l'Europe peine à définir son positionnement stratégique.
La réglementation européenne, bien qu'animée par des objectifs environnementaux et sécuritaires louables, devient paradoxalement un frein à l'innovation. Pendant que la Chine et les États-Unis accélèrent leurs développements technologiques, les constructeurs européens sont ralentis par une bureaucratie complexe et des normes toujours plus contraignantes. L'exemple de Volkswagen, contraint d'envisager la fermeture d'usines historiques en Allemagne, illustre dramatiquement cette situation.
Les chiffres sont éloquents : la progression des importations de véhicules électriques chinois, passant de 1,6 à 11,5 milliards de dollars entre 2020 et 2023, démontre l'ampleur du défi. Même l'introduction de taxes douanières supplémentaires semble insuffisante face à l'avantage compétitif des constructeurs asiatiques.
Face à cette situation critique, quatre scénarios se dessinent pour 2035, chacun porteur de lourdes conséquences :
La voie de la souveraineté technologique européenne, au risque d'une dégradation de l'offre et de la compétitivité
L'acceptation de la domination chinoise sur le marché de masse, cantonnant avec optimisme les constructeurs européens aux segments premium
Un rapprochement stratégique avec l'industrie américaine, nécessitant une révision profonde des accords commerciaux
Un sursaut d'investissement massif couplé à un allègement réglementaire, scénario qui semble aujourd'hui le plus improbable
La transformation numérique du secteur, illustrée par les 94 millions de mises à jour "over-the-air" déployées par Stellantis en 2023, montre que l'innovation reste possible. Cependant, sans une refonte rapide et profonde de la stratégie industrielle européenne, le risque est grand de voir l'industrie automobile du Vieux Continent reléguée au second plan de l'échiquier mondial.