On a tous connu des moments de solitude qu'on garde au fond de soi, des petites hontes qu'on évite de partager. Ces instants où on se sent abandonné des siens, diminué, tout honteux. J'en connais un d'assez récurrent: expliquer mon métier à des gens qui n'ont pas la moindre idée de l'univers dans lequel je travaille...
Vous savez, ces repas de famille où l'on retrouve les vieux cousins qui ont fait fortune dans la finance ou qui ont repris l'affaire de textile de papa et qui désormais sous-traitent en Chine et en Thailande... Bref, jusqu'à présent, ma parade ultime consistait à regarder au fond de mon verre et dire en deux mots que j'étais webmaster! Trop compliqué de parler de mes études, de l'école d'ingé aux Beaux-Arts, des startups, des projets de banque en ligne, des programmes de dématerialisation de l'administration publique, des projets communautaires, de l'idéal libertaire, des nouveaux médias, de Rue89, de TED,... La seule chose que les gens ont fini par intégrer c'est la crypto-simplicité de mon job en quelques mots: "webmaster d'une chaine d'infos internationale"... Ceci-dit, déjà pas mal par les temps qui courent.
Ce matin, ma revue de blogs quotidienne m'a peut-être soufflé une solution. Je suis tombé sur un billet de Rory Sutherland qui définit le concept de "créativiste" en opposition à celui de "capitaliste". Le créativiste est un individu qui consacre son énérgie à créer, dans le but unique de Créer et qui puise sa motivation dans sa passion pour la Création. Le capitaliste, tire avant tout sa motivation du gain de productivité et de l'augmentation de rentabilité quelquesoit le domaine d'activité. C'est assez classique comme dichotomie et l'approche est salement manichéènne mais je crois qu'elle colle bien à l'idée que je me fais de mon activité: je suis peut-être un de ces créativistes!
La prochaine fois qu'on me demande ce que je fais dans la vie je dirais ça: "je suis un créativiste!". Un tout petit rivet dans la grande roue de l'innovation, un atome dans la galaxie de la création. Je sais, ça risque de mal passer, de faire prétentieusement cool, genre petit webmaster, geek looser de 35 balais, bobo parigo en tee-shirt basket qui se la joue génie de l'internet et qui n'a jamais reussi à placer (garder en l'occurence) un seul centime de capital dans une quelconque de ses multiples créations (qui pourtant, ont parfois "performé"...). Certes, mais je pense pouvoir en tirer un certain bénéfice moral. Ca se tente, non?
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