En 2022, qui sera le candidat du métavers ?

Naviguer dans un environnement virtuel grâce à des lunettes de réalité mixte : voilà notre futur pour le patron de Facebook. Quelles en seront les conséquences pour les Etats et les collectifs en général ? La question mériterait d'être abordée pendant la présidentielle, estime Michel Lévy-Provençal.

Publié dans les Echos le 5 oct. 2021

La société du loisir a commencé à se dessiner dès 1936 avec l'avènement des congés payés. Elle s'est prolongée, pendant les décennies suivantes, Guy Debord théorisant pour la première fois le processus dans lequel nous étions entrés avec la publication de « La Société du spectacle » en 1967.

La révolution numérique a accéléré à nouveau ce mouvement et nous a projetés en deux décennies seulement dans ces bulles sociales plus ou moins étanches et désormais familières, où l'information est la principale ressource et la consommation la première des activités.

Repli sur soi

Après la crise sanitaire et les confinements successifs, nous nous sommes habitués à vivre dans des cocons, recherchant avant tout le confort individuel, idéalement loin du fracas des rassemblements collectifs et bruyants. Les grandes villes ont connu un exode. Les villes moyennes, les espaces périphériques et les campagnes sont devenus plus attractifs et le repli sur soi s'est renforcé.

Au coeur de l'été, l'interview surprise d'un des hommes les plus influents au monde, le patron de Facebook , nous a donné à voir ce que pourrait être l'aboutissement de ce processus commencé il y a près d'un siècle. Pour Mark Zuckerberg, l'avenir de Facebook réside dans le développement de ce qu'il appelle le « métaverse » : un environnement virtuel immersif persistant dans lequel on navigue grâce à des lunettes de réalité mixte . Selon Zuckerberg, le « métaverse » est l'avenir de nos espaces de travail, de nos lieux de consommation, des loisirs et de l'économie tout entière. C'est le prolongement naturel des réseaux sociaux créés il y a quinze ans et celui d'Internet apparu il y a près de trente ans.

Un sac Gucci numérique

Des milliards de dollars circulent déjà dans ces univers virtuels. En juillet dernier, une société immobilière a dépensé près d'un million de dollars pour s'offrir une parcelle de pixels sur la plateforme Decentraland. Une utilisatrice y a dépensé 4.000 dollars pour s'acheter la version numérique d'un sac de la marque Gucci ! Pour ces investisseurs, l'émergence du « métaverse » en 2021 ressemble étonnamment à celle d'Internet dans le milieu des années 1990.

Si ces environnements virtuels ont assurément un avenir pour des individus confinés dans leur cocon qui y navigueront, y consommeront et s'y divertiront, qu'en est-il des collectifs, des communautés, des organisations, des sociétés, des Etats et des nations ? A l'approche de la prochaine élection présidentielle, qui se soucie de la mutation fondamentale que nos sociétés modernes pourraient subir au cours des dix prochaines années ? Qui a pris la mesure de cette éventuelle prochaine disruption ?