La vie privée, un doux souvenir
Ce billet est la version illustrée de la chronique publiée dans les Echos le 10 février 2015 La philosophie et les moyens de surveillance des états à l’égard des citoyens ont radicalement changé depuis une dizaine d’année. L’affaire Snowden nous a fait découvrir le projet PRISM qui permet à la NSA d’infiltrer la plupart des services en ligne et des réseaux sociaux. Conjointement, le programme coTraveler, développé par l’agence de renseignement américaine, récupère chaque jour plus de 5 milliards d’enregistrements de localisations de téléphones mobiles à travers le monde. D’une surveillance basée sur les écoutes et le suivi de cibles potentielles, les services de renseignement procèdent désormais en adoptant une approche massive et en analysant automatiquement les données afin d’y déceler des signaux suspects. A titre d’exemple, Snowden a prouvé que 89% des fichiers récupérés par la NSA émanaient de sources totalement innocentes.
Cette approche n’aurait jamais été possible sans l’avènement d’internet, du mobile et la présence en abondance de capteurs et de dispositifs d’enregistrement déployés par les citoyens eux-mêmes sur le terrain. Or ces dispositifs se simplifient et se diffusent de façon exponentielle. Près de 80 milliards d’entre eux peupleront notre planète en 2020 et dix fois plus une décennie plus tard. Simultanément des solutions de cartographies du globe en temps-réel se démocratisent. Le récent projet SATELLOGIC par exemple prévoit de déployer des micro-satellites en orbite autour de la Terre pour la filmer en permanence et à très haute définition. Cette solution permettrait d’obtenir un système similaire à Google Maps mais en proposant des vidéos en direct et à haute définition de chaque point de notre planète !
Si vous ajoutez à cela les applications de la société israélienne BEYONDVERBAL qui développe des détecteurs d’émotions par l’analyse de la voix et de l’intonation de locuteurs via un simple smartphone, l’intrusion dans la vie privée se déplace alors subitement dans le champ de la psyché.
Il devient évident que nous sommes entré sans le savoir dans une ère de surveillance massive, passive, accessible à tous et à bas coût. Ce phénomène va s’accélérer au point que nous vivrons très vite comme dans un aéroport international, sous surveillance globale et permanente. Aussi, la notion de vie privée deviendra un doux souvenir pour notre génération. Nos enfants auront intégré cette donnée comme inhérente à leur monde. Il leur restera alors à réinventer, ou non, les espaces de liberté que nous aurons abandonné en une décennie à peine.
Brad Templeton à propos de la NSA et de la vie privée.