Une nouvelle offre politique se dessine


La crise liée au coronavirus a fait ressortir certains travers de notre société, de la défiance pour les élites et la bureaucratie administrative jusqu'aux thèses complotistes parfois. Une évolution qui impacte le paysage politique et notre rapport au réel, nous dit Michel Lévy-Provençal.



Publié dans les Echos le 18 mai 2020 à 11:57

La crise que nous vivons accélère la transformation de notre société et de notre économie. A court terme elle risque aussi de bousculer notre paysage politique. Bien malin celui qui prédira le prochain duel à l'élection présidentielle, mais la pratique de la prospective ne nous interdit pas d'élaborer quelques scénarios en analysant les phénomènes de l'époque.

Recherche de l'attention à tout prix

Deux de ces phénomènes sont particulièrement intéressants à étudier si on envisage leur influence sur la pratique politique. Il y a d'abord la recherche à tout prix de l'attention par le buzz, le pic émotionnel et le scandale. Cette quête de la réaction instantanée, inaugurée brillamment par le président américain, empêche de plus en plus la prise de recul et l'analyse. Elle nous éloigne du réel et de la rationalité. Elle s'adresse avant tout à un électorat qui veut des solutions simples et rapides et que la complexité rebute.

Le deuxième phénomène que nous constatons est la défiance grandissante à l'égard de l'élite, des intellectuels, des médias, de la puissance économique, parfois même à l'égard des sciences et de la connaissance. Elle se nourrit de la montée en puissance des fake news et des thèses complotistes qu'elle engendre simultanément.

Ces deux phénomènes agrégés, que nous voyons aussi grandir chez nous, commencent à dessiner une offre politique insolite qui pourrait rassembler les antisystèmes d'extrême droite et d'extrême gauche, une partie des oubliés, des délaissés, dont les « gilets jaunes » constituent aujourd'hui une des représentations la plus visible.

Défiance à l'égard de l'élite

La crise a révélé ces dernières semaines un personnage nouveau dans le paysage politique français : le professeur Didier Raoult. Simultanément une autre figure a beaucoup fait parler d'elle en lançant un nouveau média : le philosophe Michel Onfray. Tous deux ont su démontrer leur habileté à maîtriser les codes de la communication de l'époque, basés sur l'émotion, le buzz et le scandale. Ils incarnent tous les deux cette défiance à l'égard de l'élite bureaucratique et économique, quitte à flirter avec le complotisme. Ils représentent chacun à leur manière ce que Michel Onfray appelle ce « petit peuple sur lequel le pouvoir s'exerce », ces délaissés que les puissants méprisent, des quartiers défavorisés de Marseille aux universités populaires de province…

Un rapprochement Raoult-Onfray pour incarner une offre populiste et antisystème à la prochaine présidentielle est-il un scénario possible ? Leur ego les en empêchera-t-il ? Si elle se confirmait, cette nouvelle offre testerait de façon inédite notre rapport au réel et à la vérité.