OpenAI, un tigre de papier ?

BlackBerry, Myspace, Netscape : l'histoire rappelle que les leaders technologiques d'un jour peuvent vite être détrônés. Ces derniers mois, OpenAI vit une crise de gouvernance depuis le départ de la plupart de ses cofondateurs.

Publié le 1 oct. 2024 dans les Echos

OpenAI s'est hissé en quelques années seulement parmi les entreprises les plus innovantes dans le domaine de l'Intelligence artificielle (IA). Pourtant, l'histoire nous montre que sa position actuelle est loin d'être garantie. Plusieurs exemples du passé illustrent comment des entreprises technologiques pionnières ont rapidement perdu leur avance face à des concurrents plus établis.

Créé en 1984, BlackBerry a connu une ascension fulgurante dans les années 2000 , au point de devenir leader du marché des smartphones professionnels. Cependant, Apple, un acteur historique jusqu'alors inexistant sur ce marché, a su tirer parti de ses atouts : une base de clients fidèles, un écosystème solide, des ressources financières importantes et une capacité d'investissement massive. Grâce à une vision audacieuse et une volonté féroce d'innover, Apple a terrassé BlackBerry en moins de dix ans.

Un autre exemple frappant est celui de Netscape, fondé en 1994. L'entreprise détenait 90 % des parts de marché des navigateurs web à l'époque et a connu une introduction en Bourse spectaculaire avec une valorisation de plus de 3 milliards de dollars dès le premier jour. Cependant, ne sachant pas gérer son succès, maintenir ses équipes et continuer à innover, les parts de marché de Netscape ont fondu pour atteindre 1 % des navigateurs web dix ans plus tard. C'est Microsoft qui, grâce à la puissance de son écosystème, sa capacité à attirer des talents et son investissement financier colossal dans la révolution web, a pris le dessus.

Myspace, lancé en 2003, est devenu très vite le leader incontesté des réseaux sociaux, dépassant même le trafic de Google à l'époque. L'entreprise n'a pas su s'adapter, faute principalement d'une gouvernance stable, donc d'une vision et d'une capacité d'adaptation rapide face aux concurrents de l'époque, Facebook en l'occurrence.

De ces trois histoires, on peut tirer quelques leçons qui montrent combien l'organisation à la tête de ChatGPT est dans une situation délicate et risque de ne pas être capable elle aussi de gérer son succès initial. En effet, contrairement à ses concurrents directs, OpenAI ne possède pas d'écosystèmes massifs d'applications et d'utilisateurs. Meta, Microsoft, Apple et Google possèdent un parc applicatif et des clients qui utilisent chaque jour leurs services, créent des données personnelles et professionnelles, et sont dépendants de ces plateformes. Ces mêmes géants ont une capacité financière très largement supérieure à celle d'OpenAI pour rattraper leur retard. Ils ont aussi compris l'enjeu de l'IA et mettent tout en oeuvre afin de l'intégrer dans leurs produits.

Enfin, en ce qui concerne la gestion des talents, ces géants attirent à eux les meilleurs ingénieurs et retiennent leurs équipes, alors même qu'OpenAI vit une crise de gouvernance sans précédent depuis le départ de la plupart de ses cofondateurs ces derniers mois et la tentative très récente de modification de son statut de fondation vers une entreprise à but lucratif. Face à ces défis, OpenAI devra faire preuve d'un génie renouvelé pour maintenir sa position de leader dans le domaine de l'IA. Rien n'est jamais acquis…