Futurs de la transition énergétique : tendances, scenarios, risques et opportunités pour le secteur.

Ce dossier est le résultat d’une étude menée en septembre 2024 sur l’avenir des possibles événements aboutissant à une transition énergétique réussie de la France et du continent européen. Il a été élaboré en utilisant la démarche de scenario planning que j’enseigne à Science Po et en entreprise. Les scénarios qui en découlent peuvent être la base d’un jeu de simulation à utiliser en entreprise pour se préparer à des ruptures à venir. Les offres de formation, conférences et workshops sur ces sujets sont détaillées ici.


Voici le podcast qui résumé le dossier en moins de 15 minutes (en anglais)

LE DOSSIER :

Transition énergétique : scénarios chocs pour 2035.

Quand on parle de transition énergétique, les débats deviennent souvent houleux et les opinions divergent. La question des solutions, qu'il s'agisse du nucléaire, des éoliennes ou de l'hydrogène, exacerbe les tensions. Aujourd’hui je vous propose un exercice de prospective simple et pratique.

Parmi les nombreux scénarios possibles pour l'évolution du secteur de l'énergie et de la transition énergétique à l'horizon 2030-2035, en voici deux.

SCENARIO 1 : LA DÉCENNIE HYDROGÈNE

En 2035, la France est devenue le leader incontesté en Europe dans la production et l'utilisation de l'hydrogène, révolutionnant son secteur énergétique et industriel. Cette transformation a été propulsée par une série d'événements stratégiques et de percées technologiques.

2026 : Une crise géopolitique majeure au Moyen-Orient provoque une flambée des prix du pétrole et du gaz, contraignant l'Europe à accélérer sa transition énergétique. En réponse, la France lance un ambitieux Plan Hydrogène 2035, mobilisant des investissements publics et privés sans précédent pour développer l'hydrogène.

2028 : Une percée technologique française dans le domaine des électrolyseurs à haute efficacité permet de réduire drastiquement les coûts de production de l'hydrogène. Le gouvernement introduit des incitations fiscales pour encourager les industries lourdes à adopter l'hydrogène.

2030 : Déploiement d'un réseau national de pipelines d'hydrogène reliant les zones de production aux principaux centres industriels. Les premières Hydrogen Valleys émergent, intégrant production, stockage et consommation locale d'hydrogène, créant des écosystèmes énergétiques autosuffisants.

2033 : La France dépasse son objectif de 7 GW d'électrolyseurs. Les premières usines sidérurgiques et cimenteries fonctionnant entièrement à l'hydrogène entrent en service, démontrant une transition réussie vers une production industrielle décarbonée.

2034 : Formation d'une alliance européenne de l'hydrogène dirigée par la France pour harmoniser les infrastructures et faciliter les échanges transfrontaliers. Les premiers trains et navires à hydrogène circulent à grande échelle, marquant une étape importante vers une mobilité durable.

2035 : Inauguration du plus grand complexe de production d'hydrogène offshore au monde, couplé à des parcs éoliens en mer. Ce projet marque l'indépendance énergétique de la France et affirme son leadership mondial dans les technologies d'hydrogène.

Nous sommes entrés dans une nouvelle époque ! En 10 ans, la qualité de l'air s'est considérablement améliorée dans les grandes villes grâce à l'adoption massive de véhicules à hydrogène, réduisant les émissions de CO₂ et les particules fines. 150 000 nouveaux emplois hautement qualifiés ont été créés dans la filière de l'hydrogène, stimulant l'économie locale et nationale.

Les ménages ont vu leur facture énergétique baisser grâce aux piles à combustible domestiques, offrant une source d'énergie propre pour le chauffage et l'électricité. Les grands énergéticiens français ont progressivement pivoté vers l'hydrogène, devenant des leaders mondiaux dans ce domaine et créant de nouveaux modèles économiques autour de cette ressource propre.

Une nouvelle filière industrielle de l'hydrogène a vu le jour, intégrant des fabricants d'électrolyseurs, de piles à combustible et de systèmes de stockage, générant un écosystème complet et intégré. Les industries lourdes françaises, ayant anticipé et réussi leur transition vers l'hydrogène, sont devenues des modèles de décarbonation, augmentant leur compétitivité sur les marchés internationaux.

Enfin, le secteur des transports a été révolutionné, avec des constructeurs automobiles et aéronautiques français à la pointe des innovations basées sur l'hydrogène.

Ce scénario, plausible mais peut-être un peu optimiste, est néanmoins fondamental à étudier pour anticiper les risques et opportunités pour les acteurs du secteur de l’énergie et de la transition. Si les événements se déroulaient ainsi, une stratégie ambitieuse et un investissement important en innovation permettraient à la France de renforcer son autonomie énergétique et de devenir un leader mondial de la transition énergétique.

Bien sûr, les détracteurs pourraient tempérer cet enthousiasme en soulignant que ce scénario optimiste ne prend pas en compte plusieurs aspects :

  • Nous pourrions perdre un temps précieux en nous focalisant sur l'hydrogène au détriment d'autres solutions potentiellement plus efficaces.

  • L'hydrogène, présenté comme une solution miracle, pourrait nous empêcher de repenser en profondeur nos modes de vie et de production.

  • Le développement massif de l'hydrogène pourrait conduire à une forme de néo-colonialisme, où les pays développés exploiteraient les ressources des pays en développement pour leur propre transition énergétique (comme c’est le cas de la Namibie, qui prévoit d'investir massivement dans l'hydrogène principalement pour l'exportation vers l'Allemagne).

SCENARIO 2 : L’AUTONOMIE PAR LA DÉCENTRALISATION

Ce second scénario scénario est la conséquence de l’accélération du développement des technologies de stockage et du renforcement de l'autonomie énergétique face aux tensions géopolitiques.

Entre 2025 et 2035, le paysage énergétique français a radicalement changé et voici quelques événements clés qui ont été décisifs !

Eté 2025 : Une cyberattaque massive d’activiste russes et biélorusses paralyse le réseau électrique européen. Elle provoque une prise de conscience au plus haut niveau. Un changement de stratégie devient urgent.

Janvier 2026 : La France adopte une nouvelle loi sur l'autonomie énergétique en même temps que l'UE lance le programme "Energy Resilience 2035", visant à renforcer la résilience des réseaux et l'autonomie.

Octobre 2027 : Une percée technologique dans les batteries à l'état solide permet de tripler la densité énergétique en réduisant les coûts de 60%. Les investissements dans le stockage d'énergie explosent, le cout des batteries diminue de 20% chaque année.

Novembre 2030 : La première ville française énergétiquement autonome, Grenoble, est inaugurée.

Aout 2031 : Une nouvelle crise au Moyen-Orient provoque une flambée des prix du pétrole. La France, grâce à son avance dans l'autonomie énergétique, est moins touchée que ses voisins européens.

Janvier 2035 : La France atteint son objectif de 80% d'autonomie énergétique, avec 45% d'énergies renouvelables dans son mix électrique.

En 2035, la France est devenue un modèle d'autonomie énergétique en Europe grace à ses smart grids. Les grandes centrales nucléaires existent toujours mais leur part dans le mix est passé de 70% à 55% en 10 ans !

Des milliers de petites unités de production et de stockage interconnectées ont permis d’assurer la croissance de la demande énergétique sur la pèriode.Dans 60% du territoire, les ilots d’habitation disposent de leurs propre micro-réseau, combinant panneaux solaires, éoliennes, unité géothermique et systèmes de stockage communautaires.Les "prosommateurs" sont devenus la norme, avec 60% des ménages produisant et stockant leur propre énergie.

Les factures énergétiques ont baissé de 50%, grâce à l'efficacité des systèmes locaux et à la réduction des coûts de transport.

Les véhicules électriques servent de batteries mobiles, participant au stockage et à l'équilibrage du réseau.

80% des foyers dispose de sa propre batterie pour optimiser l'autoconsommation.

Enfin, l’IA est un élément clé de l’optimisation de la production, du stockage et de la consommation.

La France a su exploiter ses investissements dans le domaine pour optimiser son réseau énergétique.


Après l'hydrogène et les smart grids, quelles tendances changent la donne…

L'avenir énergétique ne se limite évidemment pas à ces deux axes (hydrogène et smart grids). Une multitude d'autres scénarios peuvent se concrétiser, influencés par d'autres tendances. Dans cet article final, je vous propose quelques autres tendances pour élargir notre perspective.

Les SMR : une nouvelle génération de réacteurs nucléaires

Les SMR, ou petits réacteurs modulaires, représentent une évolution significative dans le domaine nucléaire. Contrairement aux réacteurs traditionnels, ils offrent plusieurs avantages :

  • Flexibilité et modularité : leur taille réduite permet une construction plus rapide et une intégration facilitée dans le réseau électrique.

  • Sécurité accrue : les innovations technologiques réduisent les risques d'accidents.

  • Coûts réduits : la production en série diminuent les coûts d'investissement et d'exploitation.

En France, des entreprises comme EDF innovent dans ce domaine, par exemple avec le projet Nuward, un SMR de nouvelle génération. Ces réacteurs pourraient compléter le mix énergétique, fournissant une électricité bas-carbone pour soutenir l'intermittence des énergies renouvelables.

Un développement inattendu émerge aux États-Unis, où l'on envisage de recycler les matériaux fissiles d'anciennes ogives nucléaires pour produire du combustible destiné aux futurs SMR. Cette approche pourrait non seulement résoudre le problème d'approvisionnement en uranium enrichi, mais aussi contribuer au désarmement nucléaire.

Les SMR posent des problèmes d'acceptation par le grand public, principal frein à leur développement en France notamment. Arriverons-nous à dépasser la peur qui nous paralyse dans le domaine ?

La fusion nucléaire ou l'espoir d'une énergie propre et inépuisable

La fusion nucléaire, processus reproduisant les réactions au cœur du soleil, est considérée comme le Graal de l'énergie propre :

  • Énergie abondante : la fusion utilise des isotopes d'hydrogène, disponibles en grande quantité.

  • Sécurité renforcée : le risque d'accident majeur est nettement inférieur à celui de la fission nucléaire.

  • Déchets minimaux : la fusion génère peu de déchets radioactifs à vie longue.

Des projets ambitieux sont en cours :

  • En France, le projet historique ITER à Cadarache vise à démontrer la faisabilité scientifique et technologique de la fusion nucléaire à grande échelle.

  • Aux USA le projet Commonwealth Fusion Systems envisage la mise en marche d'un réacteur à fusion avant 2030 !

L'accélération des technologies de stockage d'énergie

La gestion de l'intermittence des énergies renouvelables reste un défi majeur. L'essor des technologies de stockage à grande échelle est donc crucial :

  • Batteries stationnaires : Les progrès dans les batteries lithium-ion et les nouvelles chimies, comme les batteries à flux ou au sodium-ion, améliorent les performances.

  • Stockage par air comprimé et hydrogène : des solutions innovantes et propres permettent de stocker l'énergie sur de longues périodes.

  • Centrales de pompage-turbinage : modernisées, elles offrent une capacité de stockage importante en utilisant l'énergie gravitationnelle de l'eau.

Des projets tels que RINGO de RTE en France démontrent l'engagement dans le développement de ces technologies.

Un signal faible à noter :

Des chercheurs chinois ont développé une batterie à base d'eau offrant une sécurité accrue et une efficacité énergétique supérieure aux batteries lithium-ion traditionnelles. Cette innovation pourrait bouleverser le marché mondial du stockage d'énergie, avec des implications majeures pour les énergies renouvelables et la mobilité électrique.

L'émergence des communautés énergétiques citoyennes

La participation active des citoyens dans la production et la gestion de l'énergie se développe :

  • Projets participatifs : plus de 200 projets d'énergies renouvelables participatifs ont émergé en France en 2023.

  • Législation favorable : la loi relative à l'énergie et au climat facilite la création de communautés énergétiques citoyennes.

  • Impact social : renforcement de la résilience énergétique locale, éducation environnementale et développement économique régional.


Risques et opportunités pour les acteurs du secteur d'ici 2035

Revenons aux deux scénarios élaborés plus haut. Pourquoi ces scenarios en particulier ? Car ce sont les moins évidents, donc les plus surprenants s’ils s’ils se produisaient. D’où l’intérêt d’analyser leurs impacts sur les entreprises du secteur. Quelles opportunités et quels risques ?

D'ici 2035, le paysage énergétique européen sera méconnaissable. Ignorer ces évolutions serait une erreur stratégique majeure pour tout acteur du secteur.

Scénario 1 : l'hydrogène pilier énergétique


Les opportunités :

En développant des électrolyseurs, les entreprises du secteur pourraient produire de l'hydrogène à partir de sources renouvelables et répondre à la demande croissante d'énergie verte. Aussi, en brevetant de nouvelles technologies de stockage et de transport de l'hydrogène vert, les acteurs pourraient obtenir un avantage concurrentiel significatif. L'opportunité de se positionner en tant que leader de l'hydrogène est réelle.

Fournir de l'hydrogène aux secteurs industriels lourds en transition, comme la sidérurgie et la cimenterie, ouvrirait des opportunités commerciales nouvelles. L'hydrogène pourrait alimenter les transports ferroviaires, routiers et maritimes, offrant de nouveaux débouchés. En synthèse il y a une opportunité d'accéder à de nouveaux marchés.

Participer à des alliances pour faciliter les échanges transfrontaliers pourrait renforcer la position sur le marché européen. Egalement, travailler main dans la main avec d'autres secteurs pourrait accélérer l'adoption de l'hydrogène. Des partenariats stratégiques sont une réelle opportunité pour les acteurs du secteur.


Les risques :

D'autres pays pourraient prendre de l'avance, réduisant ainsi le leadership potentiel des acteurs européens et de la France en particulier. Le risque d'un dépassement technologique par des acteurs chinois ou américains est fort.

Le développement des infrastructures hydrogène nécessite des investissements colossaux avec des retours sur investissement à long terme. Aussi le risque financier est important. Enfin, les évolutions du marché et des politiques de régulation peuvent affecter la rentabilité. Les investissements massifs nécessaires ne garantissent pas des retours importants.

La mise en place de réseaux de distribution d'hydrogène pose des défis techniques et réglementaires majeurs. Aussi, l'hydrogène étant hautement inflammable, des mesures strictes de sécurité doivent être mises en place, augmentant les coûts. Les risques logistiques et sécuritaires ne peuvent pas être négligés.


Scénario 2 : L'autonomie énergétique par la décentralisation

La montée en puissance des technologies de stockage et des énergies renouvelables pourrait conduire à une décentralisation massive de la production énergétique. Dans ce cas de figure, voici les risques et opportunités pour un acteur du secteur.


Les opportunités :

En investissant dans les smart grids, on optimise la distribution et on gère l'intermittence des énergies renouvelables. L'IA peut aider à optimiser les flux. Il y a une opportunité pour les acteurs qui investissent la gestion intelligente des réseaux par la data et l'IA.

Offrir des solutions de gestion énergétique aux ménages producteurs d'énergie crée de nouvelles sources de revenus. La fourniture de solutions de stockage communautaires peut renforcer la fidélité des clients. Les smart grids fidélisent la clientèle contrairement à l'apriori que l'on pourrait avoir sur le sujet.

Utiliser les véhicules électriques comme unités de stockage (Vehicle-to-Grid - V2G) contribue à l'équilibrage du réseau. Cette solution ouvre de nouvelles opportunités commerciales. De nouveaux business modèles émergent tout en améliorant la résilience du réseau énergétique.


Les risques :

Avec l'augmentation de l'autoconsommation, la demande en énergie provenant des réseaux traditionnels diminue, affectant les revenus. Les infrastructures existantes pourraient devenir obsolètes ou sous-utilisées. La baisse de la consommation centralisée pèse sur les anciens modèles des énergéticiens.

Des start-ups peuvent disrupter le marché avec des solutions agiles que les grands groupes auront du mal à porter. La concurrence des petits acteurs est un risque important sur ce secteur.

La diversification de l'offre énergétique peut entraîner une baisse des prix. La pression sur les marges peut mettre à mal de modèle économique des grands acteurs.

La fluctuation de la production nécessite des solutions de gestion du stockage sophistiquées. L'intermittence des sources renouvelables est une opportunité pour des industriels des batteries ou de l'hydrogène mais demeure un risque pour le déploiement massif des smart grids à court et moyen terme.

La multiplication des points d'accès numériques augmente le risque de cyberattaques. La cybersécurité est un point fondamental de la stratégie de décentralisation des systèmes énergétiques et l'augmentation des risques cyber constitue un frein évident.



En synthèse, que faire ?

En conclusion, si on devait identifier les risques et opportunités communs aux deux scénarios pour s'y préparer quels seraient-ils ?

En s'engageant activement dans la transition énergétique, les entreprises peuvent bénéficier de subventions, attirer des investissements verts et améliorer leur image de marque. C'est un point qu'elles ont intégré depuis longtemps et elles ont largement entamé leur transition (pour ce qui est des grands groupe sen tout cas). Elles explorent de nouveaux secteurs, comme les services numériques ou la mobilité propre. Elles travaillent avec différents acteurs, y compris les collectivités locales, peut renforcer leur position sur le marché.

Cependant, Il reste que les changements de politiques énergétiques peuvent affecter les plans stratégiques de ces grands groupes de manière importante. Aussi, la capacité d'adaptation, l'agilité et la culture d'entreprise restent des défis majeurs pour elles.

Ces acteurs sont à un tournant décisif. Face à ces scénarios d'ici 2035 ils doivent être proactifs, investir dans l'innovation, repenser leurs modèles économiques et renforcer leurs relations avec les clients et partenaires.



Dans les faits : les projets qui tentent de tout changer !

En matière de climat, de transition énergétique ou d’environnement, nous avons atteint les limites de l'alerte, de l'angoisse, voire de la terreur. Il ne s'agit en rien de minimiser les enjeux, mais la stratégie de la peur est dépassée. Tous les acteurs s'accordent à dire qu'elle n'est plus la bonne approche. Je vous propose de passer en revue les initiatives franco-européennes les plus importantes mises en œuvre pour anticiper ces deux scénarios.

L'hydrogène : une ambition qui se poursuit malgré des vents contraires

Tout d'abord, le Plan Hydrogène France 2030 témoigne de l'engagement du gouvernement français à soutenir la production d'hydrogène décarboné avec 4 milliards d'euros de financement public, visant 1 GW d'électrolyseurs d'ici 2027.

L'hydrogène est bien au cœur des stratégies d'innovation énergétique française actuelles. Le projet HyPSTER par exemple, premier site de stockage souterrain d'hydrogène vert en Europe vise par exemple à développer le stockage à grande échelle de l'hydrogène.

L'IPCEI Hy2Move, projet validé en mai 2023 pour un montant de 1,4 milliard d'euros, est aussi axé sur l'utilisation de l'hydrogène mais cette fois dans les transports.

A plus petite échelle, dans la région Pays de la Loire, le projet AdvancedH2Valley, financé par l'Union européenne à hauteur de 8,9 millions d'euros, vise à déployer jusqu'à 11,5 MW de nouvelles capacités de production d'hydrogène vert.

Enfin, le projet HEAVENN développe une vallée hydrogène dans le nord des Pays-Bas, soutenu par le Clean Hydrogen Partnership de l'UE.

Les smart grids en déploiement

L'Union européenne s'était donné comme objectif d'équiper 80 % des consommateurs européens de systèmes intelligents de mesure.

En France, le déploiement des compteurs intelligents Linky par Enedis a représenté un investissement de 5 milliards d'euros sur 10 ans (2014-2024) pour l'installation de 35 millions de compteurs.

Les régions françaises sont largement engagées dans le développement de smart grids. Voici trois exemples :

Le projet SMILE (SMart Ideas to Link Energies) est emblématique. Il déploie à grande échelle des réseaux intelligents dans l'Ouest de la France.

Smart Grid Vendée, mené en collaboration entre Enedis et SyDEV, le syndicat de la Vendée, a représenté 27,7 millions d'euros d'investissements.

Le projet FlexGrid, déployé en région Provence-Alpes-Côte d'Azur, vise à développer un réseau électrique intelligent à grande échelle.

NiceGrid, projet transfrontalier entre la France et l'Italie, vise à développer un réseau intelligent dans la région de Nice.

Ainsi, le savoir faire français en matière de réseaux intelligents est reconnu mondialement : Enedis a été classé premier au niveau mondial dans le "Smart Grid Index" de Singapore Power Group, démontrant le leadership français dans ce domaine.

Au niveau européen, le Projet CleanMobilEnergy implique plusieurs pays, dont la France, pour expérimenter des smart grids locaux associant production d'énergies renouvelables et mobilité électrique.

L'European Electricity Grid Initiative associe 14 entreprises européennes pour mieux interconnecter les réseaux nationaux, avec 30 projets lancés pour un montant total de 2 milliards d'euros.

Grid4EU est un projet collaboratif impliquant six distributeurs d'électricité européens dans autant de pays : Allemagne, Espagne, France, Italie, République tchèque et Suède.

Aux Pays-Bas, le projet smart grid à Arnhem vise à relier un parc solaire de 14 MWc et des éoliennes à un réseau de charge publique pour véhicules électriques et à l'alimentation électrique à quai de bateaux .

Le projet Smart Grid Gotland en Suède est un pilote visant à moderniser le réseau électrique de l'île de Gotland.

Enfin, InovGrid est un projet national au Portugal pour moderniser le réseau électrique du pays.




En conclusion : une indispensable vision holistique

Si l'hydrogène et les smart grids représentent des axes majeurs de transformation en France et en Europe, il est clair le renouveau du nucléaire, tendance la plus forte et scenario le plus probable, mais également l'innovation dans le stockage d'énergie, l'évolution des politiques publiques et l'engagement citoyen, jouent des rôles fondamentaux.

Repenser l'écologie pour une transition efficace

Il est crucial de reconnaître que si l'écologie se contente de critiquer la puissance, la croissance et le progrès technologique, elle est condamnée à rester impuissante. Une approche plus constructive consiste à embrasser les progrès technologiques pour atteindre les objectifs environnementaux. Par exemple, les avancées dans les technologies de capture et de stockage du carbone ou dans l'efficacité énergétique des processus industriels peuvent contribuer significativement à la réduction des émissions tout en maintenant la compétitivité économique.

Vers une interdépendance énergétique européenne

La question de l'indépendance énergétique est souvent mal interprétée comme une nécessité de souveraineté énergétique menant à une politique de fermeture des nations sur elles-mêmes. Cependant, une approche écosystémique à l'échelle européenne et plus largement occidentale, rendant les nations interdépendantes entre elles, serait une stratégie plus résiliente. Cette interdépendance pourrait se manifester par le renforcement des interconnexions électriques transfrontalières, la mutualisation des capacités de stockage d'énergie, et le développement de projets énergétiques communs.

Cette approche collaborative permettrait non seulement de réduire les vulnérabilités individuelles des pays face aux chocs énergétiques, mais aussi d'optimiser l'utilisation des ressources renouvelables à l'échelle continentale. Par exemple, l'excédent d'énergie solaire produit dans le sud de l'Europe pourrait compenser le déficit dans les régions nordiques, tandis que l'énergie éolienne offshore de la mer du Nord pourrait être partagée entre plusieurs pays.

Le défi de la compétitivité face aux réglementations environnementales

Malgré les avantages évidents d'une transition énergétique ambitieuse, il est important de reconnaître les défis qu'elle pose à l'industrie européenne. Pour relever ce défi, l'Europe doit trouver un équilibre entre ses ambitions environnementales et la nécessité de maintenir une industrie compétitive. Des solutions potentielles pourraient inclure l'investissement dans la recherche et le développement pour des technologies de production plus propres et efficaces ; la mise en place de mécanismes de soutien pour aider les industries à s'adapter aux nouvelles normes environnementales, l'implémentation progressive du mécanisme d'ajustement carbone aux frontières pour égaliser les conditions de concurrence avec les importations moins réglementées.

L'avenir énergétique de la France et de l'Europe dépendra de notre capacité collective à innover, collaborer et à saisir les opportunités offertes par ces grandes tendances, tout en relevant les défis économiques et industriels qu'elles posent. Une approche équilibrée, combinant ambition environnementale et réalisme économique, sera essentielle pour réussir cette transition cruciale.

BONUS

Imaginons un instant la retrospective d’une transition réussie à l’aube de 2040. Quelle histoire pourrions nous raconter ?

Imaginez le JT (ultra) optimiste du 31/12/2039 : cette vidéo a été créée à partir d’un avatar digital piloté par une IA.