Qui seront les prospectivistes de demain ?
Pendant près de vingt ans, les prospectivistes se sont concentrés sur l'interprétation des ruptures technologiques à venir. Pour la prochaine décennie, ce seront davantage des anthropologues qui nous aideront à décrypter les scénarios du futur.
Publié dans les Echos le 27 janv. 2020 à 14:58
A quelle tâche le prospectiviste s'attelle-t-il quotidiennement ? Contrairement à ce que l'on pourrait croire, il ne tente pas de prédire le futur. Il s'épuise plutôt à identifier les différents futurs possibles et à en déduire, au présent, les meilleurs scénarios d'action. Les prospectivistes des deux dernières décennies étaient avant tout des technologues. Pendant près de vingt ans, ils ont épuisé les courbes exponentielles : celles des évolutions technologiques et de la valorisation des entreprises numériques…
Or, à l'aube des années 2020, la réalité semble prendre son temps par rapport aux prévisions trop optimistes de ces mêmes technologues. Les voitures autonomes tardent à arriver, la puissance des puces électroniques stagne, l'intelligence artificielle déçoit, les biotechnologies et les nanotechnologies vivent leur hiver… Ce ralentissement, dont on a connu un équivalent dans les années 1990, annonce la fin d'un cycle et la transformation de la célèbre courbe exponentielle en sigmoïde.
Anthropologue plus que technologue
Si le prospectiviste a épuisé son imaginaire faute de nouvelles ruptures technologiques à court terme, que lui reste-t-il pour nous aider à anticiper les scénarios pour demain ? Les récents phénomènes sociaux, sur plusieurs continents simultanés, sont peut-être une réponse à cette question. Face à ces événements le technologue est démuni. Au mieux, il les interprète comme des actes de résistance à l'accélération trop brutale du monde. En revanche, celui qui étudiera l'évolution et les révolutions du monde par le prisme des invariants fondamentaux de l'histoire humaine aura des clés de réponse. Quels sont ces invariants ? L'amour, l'égo, le désir, le rêve, la tribu, la finitude ?
Le prospectiviste de la prochaine décennie a désormais plus de chance d'être anthropologue que technologue.