L’intelligence artificielle pour réduire les inégalités de santé.
Ce mois-ci, dans le cadre de mon étude prospective sur le futur de la santé, je me suis interrogé sur la manière dont l'intelligence artificielle peut transformer notre système de santé et, surtout, réduire les inégalités d'accès aux soins.
À la recherche de sources sur le sujet, je suis tombé sur "AI for Health Equity and Fairness", un ouvrage collectif assez technique mais particulièrement interressant qui explore les potentiels de l’IA dans le domaine de la santé.
Le problème : réduire les inégalités d'accès aux soins
L’inégalité d'accès aux soins reste un fléau. En France, elle prend plusieurs formes : disparités géographiques entre zones rurales et urbaines, délais interminables pour accéder à des spécialistes, ou encore pénuries de données médicales adaptées à certains contextes locaux. Ces inégalités ne sont pas seulement logistiques, elles sont aussi sociales et économiques.
Le livre avance l’hypothèse que l'IA peut devenir un levier puissant pour identifier et résoudre ces disparités. En analysant des données complexes et en optimisant les processus, elle offre une capacité inédite à agir de manière ciblée et efficace.
Une des forces de l’IA réside dans son aptitude à croiser des données multiples pour révéler des angles morts. Le livre montre comment l’intégration des déterminants sociaux de la santé – comme la situation économique, l’éducation ou les conditions de logement – permet de mieux comprendre les causes profondes des inégalités. Ces données, longtemps laissées en périphérie des systèmes de santé, peuvent devenir un pilier central pour orienter des interventions locales.
On peut imaginer des algorithmes capables de cartographier les populations les plus à risque de développer des maladies chroniques en combinant facteurs sociaux, historiques médicaux et accès aux infrastructures. Ces outils permettraient d’anticiper les crises sanitaires et de déployer des ressources de manière beaucoup plus équitable.
Des applications concrètes pour réduire les délais et améliorer l'accès
La prédiction de risques personnalisées
Un des exemples développé dans le livre est celui des trajectoires hospitalières pour prédire les risques des patients. En analysant les données collectées durant les premières heures d’une admission en soins intensifs, des modèles prédictifs peuvent alerter les soignants d’un risque accru de détérioration chez certains patients, bien avant que des signes cliniques évidents n’apparaissent.
L’optimisation des itinéraires d’ambulance
Dans la lignée des travaux de Paul Duan présentés en 2015 à l’Échappée Volée, l’ouvrage évoque comment des algorithmes permettent d’optimiser les trajets des ambulances pour les patients victimes d’AVC . Plutôt que de simplement transporter ces patients vers l’hôpital le plus proche, ces outils prennent en compte le type d’AVC, les capacités des établissements et les délais de traitement pour maximiser les chances de récupération. Une simulation réalisée en Californie a montré une amélioration de 7 % des résultats pour les patients.
Des décisions logistiques intelligentes
Les processus décisionnels optimisés grâce à l'IA ne se limitent pas aux trajets. Ils permettent aussi d’améliorer la gestion des flux de patients et des ressources hospitalières, garantissant que les personnes les plus vulnérables reçoivent une prise en charge rapide et adaptée.
L’IA pour transformer le diagnostic et le suivi médical
La génération d’images synthétiques pour pallier le manque de données
Dans les zones où les données médicales sont rares, certaines IA deviennent des alliés précieux. Elles sont capables de génèrer des images médicales réalistes pour entraîner d’autres IA de de diagnostic sans nécessiter d’énormes bases de données existantes. Le livre cite des exemples d’IA qui ont permis d’améliorer de 5,2 % la reconnaissance chirurgicale dans des environnements limités en ressources.
Le diagnostic des maladies chroniques et neurodégénératives
Les troubles neurodégénératifs comme Alzheimer ou Parkinson sont souvent détectés tardivement. Des modèles avancés d'IA, capables d'analyser des signaux complexes comme l’EEG, peuvent accélérer la détection et orienter rapidement les patients vers les spécialistes. Par ailleurs, des outils comme Odysight, développé par une startup française Tilak, montrent déjà l’impact du deep learning sur le suivi des pathologies comme la rétinopathie diabétique.
La réduction des frictions administratives
Enfin, le livre évoque des innovations comme l’optimisation des taches administratives (compte rendus médicaux…) . Ces outils, similaires à ceux développés par des startups comme Nabla ou Vocca, automatisent les processus administratifs complexes, réduisant les délais d’accès aux soins tout en allégeant la charge des professionnels.
quelleS leçonS ?
Si ces solutions sont remarquables, leur mise en œuvre n’est pas sans défis, notamment en France. Notre système de santé souffre de trois blocages majeurs :
Un manque de formation aux technologies innovantes chez les soignants, qui freine leur adoption.
Une résistance culturelle au changement, où la prudence face aux outils numériques ralentit les réformes nécessaires.
Le poids de la bureaucratie, qui étouffe l’agilité requise pour intégrer rapidement ces technologies.
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